1905-1914

Die Brücke éclatant

Le Musée de Grenoble présente les œuvres majeures du premier mouvement d’art moderne en Allemagne.

Par Doriane Lacroix Tsarantanis · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 590 mots

GRENOBLE - C’est grâce à un prêt de 130”¯œuvres accordé par le Musée Die Brücke à Berlin qu’est présentée aujourd’hui en France la première exposition à être consacrée exclusivement au groupe initiateur du mouvement expressionniste allemand.

La sélection des pièces a fait l’objet d’une collaboration étroite entre Magdalena M. Moeller, directrice du Brücke-Museum de Berlin ; Cathy Stoike, son assistante ; Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble, et Nathalie Gallissot, conservatrice en chef au Musée des beaux-arts de Quimper où l’exposition sera accueillie à partir du 11 juillet.
Die Brücke (le Pont) fut créé en 1905 par quatre jeunes peintres, Ernst Ludwig Kirchner, Fritz Bleyl, Karl Schmidt-Rottluff et Erich Heckel, réunis par leur désir de bouleverser l’ordre établi et les mœurs en vigueur, d’être au plus près de leurs émotions, de créer « un pont » entre l’art et la vie.
Le groupe s’ouvrira progressivement à des artistes tels qu’Emil Nolde, Max Pechstein, Cuno Amiet et Otto Mueller. Le parcours, chronologique, explore le mouvement dans sa globalité et son évolution jusqu’à 1914, date à laquelle les artistes se sont déjà dispersés. Il permet d’apprécier la diversité des inspirations qui sous-tendent l’ensemble des créations, nourries d’un esprit de liberté et de spontanéité.

Trois moments forts de l’histoire de Die Brücke rythment l’exposition, qui témoigne de la dimension révolutionnaire du mouvement. Le parcours débute par les premières années à Dresde, avec l’orientation du groupe et ses multiples influences, telles que le néo-impressionnisme dans la touche ou la tradition médiévale du bois gravé, qui va devenir l’une de ses spécialités. La Fille de pêcheurs (1908) d’Erich Heckel illustre ce désir d’évidence des formes qui caractérise le mouvement. Aussi, l’influence d’Edvard Munch et de l’esprit nordique, d’une nature animiste, est perceptible chez Emil Nolde. Tandis que Cuno Amiet rend hommage à Van Gogh, avec la Nature morte aux fleurs (1908). Puis arrivent les années des « étés de la liberté », symbole d’une vie naturiste autour des étangs de Moritzburg et quintessence du style Die Brücke. Le groupe apporte un renouveau du nu, que Guy Tosatto appelle le « nu moderne ». Ainsi, chez Kirchner les modèles adoptent une attitude sage, la pose est décontractée et la représentation du corps féminin, stylisée, s’éloigne sensiblement des conventions académiques. Son Nu allongé devant un miroir (1909-1910) témoigne d’un refus manifeste de la couleur naturaliste, dans un espace qui bascule et se referme sur lui-même, en résonance avec la vie intime de l’artiste. L’intérêt des artistes pour le primitivisme se lit par ailleurs aisément dans la représentation des visages, similaires à des masques.

« Berlin l’impitoyable »
À partir de 1911, le groupe s’installe à Berlin. La sérénité des œuvres précédentes disparaît. Les citations mises en exergue sur les cimaises du parcours évoquent le monde intérieur des artistes. Ainsi la phrase de Pechstein, « Berlin l’impitoyable obligeait chacun de nous à s’en sortir seul », annonce les divergences qui apparaissent dans le style des membres du groupe. Les artistes, surpris par le mouvement, le bruit et la foule, vivent difficilement le choc de la grande ville. Les formes semblent taillées à coups de hache, et la couleur, jadis exacerbée, se durcit et s’assombrit. Même la scène anodine du tableau de Kirchner À la terrasse du café (1914) devient inquiétante, les formes aiguisées exprimant l’agression ressentie. Avec l’arrivée de la guerre, le groupe se dissoudra et chacun partira dans sa propre direction, également du point de vue stylistique.

Die BrÜcke (1905-1914), aux origines de l’expressionnisme

Jusqu’au 17 juin, Musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, 38100 Grenoble, tél.0476634444, du mercredi au lundi 10h-18h30, www.museedegrenoble.fr. Catalogue, 252 p., 35,50euros, ISBN 978-2-75720-514-3.

Die BrÜcke
- Commissaires : Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble; Nathalie Gallissot, conservatrice en chef au Musée des beaux-arts de Quimper
- Nombre d’œuvres : 130

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : Die Brücke éclatant

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