Signatures

De Venise à Versailles

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 705 mots

L’accord entre le Palazzo Grassi et Venise pour la Pointe de la Douane coïncide avec le départ de Jean-Jacques Aillagon pour Versailles.

VENISE - Il l’a voulu, il l’a eu. Le collectionneur François Pinault jubilait lors de la signature, le 8 juin, de l’accord de sous-concession pour une durée de trente ans renouvelable de la Pointe de la Douane à Venise. Plus précisément, le contrat de concession a été signé entre la Ville de Venise et l’entité juridique du Palazzo Grassi. Cet opérateur ne versera pas de redevance à la ville, mais prendra en charge la totalité des travaux, évalués entre 20 et 25 millions d’euros, et le déficit d’exploitation, d’environ 2 à 3 millions d’euros par an. La Cité des Doges a aussi obtenu de François Pinault la disponibilité de cent quarante et une œuvres constituant la collection permanente du Centre d’art contemporain de la Pointe de la Douane.

Conçu comme un laboratoire, ce lieu devrait permettre d’exposer les commandes de plus en plus nombreuses passées par le collectionneur aux artistes. Une salle est aussi d’ores et déjà prévue pour abriter la série de tableaux de Sigmar Polke présentée actuellement dans le pavillon international de la Biennale de Venise et achetée par l’homme d’affaires. « Venise ne peut vivre à la hauteur de son passé en se passant d’experts venant de l’étranger. Venise doit vivre avec des Parisiens, des Américains, c’est une ville universelle », a rappelé le maire de la ville, Massimo Cacciari. Et d’ajouter : « l’évolution du monde contemporain comporte des risques et je vois que Monsieur Pinault connaît bien les risques de la contemporanéité. » Pour l’heure, les risques se situent plutôt au niveau d’éventuels obstacles structurels dans la réhabilitation du bâtiment de la Douane par les bons soins de l’architecte japonais Tadao Ando. L’ancien directeur du Palazzo Grassi, Jean-Jacques Aillagon, ayant pris la présidence du domaine de Versailles (lire ci-dessous), François Pinault désignera prochainement un successeur apte à diriger un chantier complexe pour une ouverture programmée en 2009.

Ménageant la chèvre et le chou, le maire de Venise a enfin eu un mot pour le grand perdant de l’affaire, la Fondation Guggenheim, elle aussi en lice pour la concession. « Je veux mettre un point final à la polémique, a-t-il indiqué. Cette procédure a été caractérisée par une transparence absolue, qui ne peut être remise en question. La compétition a été loyale avec les deux grands centres. Nous sommes prêts à garantir au Guggenheim tous les développements possibles. L’administration de Venise est disposée à confier demain aussi au Guggenheim des lieux aussi prestigieux que la Pointe de la Douane. » Ces propos ont précédé les révélations dans la presse italienne de la volonté du Guggenheim de s’implanter dans d’autres villes italiennes, notamment à Turin. Une nouvelle qui laisse sceptiques certains acteurs locaux, notamment la collectionneuse Patrizia Sandretto Re Rebaudengo qui déclarait le 10 juin au quotidien turinois La Stampa : « Turin est une ville artistiquement très cotée à un niveau international et donc, nous n’avons aucune urgence à accepter l’offre du Guggenheim. » 

Jean-Jacques Aillagon châtelain

La signature de l’accord de concession de la Pointe de la Douane a coïncidé avec le départ de Jean-Jacques Aillagon pour la présidence du château de Versailles, où il succède à l’actuelle ministre de la Culture, Christine Albanel. « Versailles est un établissement auquel je rêvais après le Centre Pompidou, pour une fin de carrière, nous a-t-il confié. C’est un objet culturel très complet, avec un bâtiment, des jardins, un musée, la possibilité de développer l’art contemporain. »
Après avoir orchestré l’achat du Palazzo Grassi et accompagné la signature de la concession de la Pointe de la Douane, Jean-Jacques Aillagon compte-t-il garder un lien avec la collection Pinault, voire l’exposer dans les lambris versaillais ? « Je conserve avec François Pinault un lien d’affection profonde. Je reste dans le conseil d’administration du Palazzo Grassi, observe-t-il. L’habitude a été prise avec l’événement « Versailles off » d’introduire de l’art contemporain à Versailles. Je souhaite persévérer dans cette voie, pourquoi pas en puisant dans la collection de François Pinault. »
Ce retour en France par le haut annonce-t-il le redémarrage d’une carrière politique ? « Non. On ne peut pas faire dix choses à la fois, répond-il. La présidence d’un établissement public m’oblige à une réserve. J’ai fait un choix. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : De Venise à Versailles

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