Justice

Collaboration

Jacques Villeglé, auteur unique de ses œuvres

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2016 - 671 mots

La justice vient de conforter l’artiste dans ses droits face aux demandes des époux Di Folco qui revendiquaient la qualité de co-auteurs de plus de 800 œuvres créées dans l’Atelier d’Aquitaine.

Jacques Villeglé a fondé en 1997 « l’Atelier en Aquitaine » chez les époux Di Folco, dans le Lot-et-Garonne, à l’invitation de ces derniers. Au-delà des liens d’amitié qui les liaient tous les trois, le couple avait participé à la création de plus de 800 œuvres de l’artiste, dont certains de ses fameux tableaux dits « affiches lacérées », ainsi que les projets « YES » et « ART », et ce, pendant près de quatorze ans. Mais les liens ont fini par se distendre avant de se rompre définitivement en mars 2012, les époux refusant de remettre à un transporteur les œuvres encore stockées à l’Atelier en Aquitaine. Le bras de fer entre le ravisseur d’affiches et Michèle et Yves Di Folco venait de débuter.

La détermination des contours de la participation du couple au travail de l’artiste constituait alors l’enjeu majeur du litige. Pour ces derniers, ils étaient coauteurs des œuvres réalisées à l’Atelier, qualité déniée par Jacques Villeglé, celui-ci considérant qu’ils ne s’étaient comportés qu’en simples membres exécutants au sein de son atelier. La reconnaissance éventuelle d’une telle qualité au profit des époux n’aurait pas été sans conséquence, puisque de très nombreuses œuvres créées à l’Atelier d’Aquitaine auraient alors été qualifiées d’œuvres de collaboration, permettant le partage judiciaire de leur propriété en trois tiers respectifs. Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a cependant rejeté, le 15 septembre dernier, toutes les demandes du couple et notamment ordonné la restitution des œuvres au profit de leur seul auteur, Jacques Villeglé.

Détermination de la qualité de coauteur
Si les œuvres ont toutes été divulguées sous le seul nom de l’artiste, il ne s’agit là, juridiquement, que d’une présomption simple quant à sa qualité d’auteur au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, toute personne qui parviendrait à démontrer un apport effectif à la création de l’œuvre, apport lui ayant permis d’exprimer l’empreinte de sa personnalité, peut être investie de la qualité de coauteur, sous réserve que les différents contributeurs aient « poursuivi, en se concertant, un objectif commun sous l’empire d’une inspiration commune ».

Le tribunal a donc dû procéder à la détermination du fonctionnement de l’atelier et à celle du processus de création des œuvres afin de renverser ou non une telle présomption auctoriale. Ce processus, répondant à une démarche artistique établie dès 1949, peut être découpé en plusieurs étapes, selon le tribunal reprenant les arguments des parties : l’arrachage des affiches brutes dans la rue et leur transport jusqu’à l’atelier,  le cadrage et les retouches éventuelles,  puis la fabrication des châssis aux dimensions de la toile et leur entoilage, et, enfin, le marouflage de l’affiche cadrée sur le châssis entoilé. Quant à l’intervention de l’artiste, celle-ci se dédouble en une part créatrice et une part purement technique. Seuls la sélection des matériaux bruts, leur cadrage et les retouches minimales qui peuvent être apportées aux lacérations sont susceptibles, selon Jacques Villeglé, de fonder l’originalité de son travail qui s’inscrit dans une démarche appropriative réalisée dans l’espace public.

Au regard des différents témoignages et éléments de preuve soumis, le 15 septembre 2016, le tribunal de grande instance rejeta la demande des époux Di Folco en constatant que leurs apports consistent « essentiellement à l’accomplissement de tâches purement artisanales et techniques, certes indispensables à la réalisation des affiches, mais insusceptibles en tant que tel de leur conférer la qualité de coauteur ». L’éventuelle marge de liberté laissée aux époux dans leurs interventions techniques ne pouvait à elle seule renverser l’organisation de l’atelier, « structure verticale » dont Jacques Villeglé occupait le sommet en donnant ses indications directrices et en sélectionnant lui-même les matériaux à utiliser. Aussi précieuse fut-elle, l’aide apportée par le couple, soutien technique parmi d’autres, n’entre pas dans le champ du droit d’auteur. Il en est de même pour les idées fournies dans l’élaboration des « nouveaux supports à l’écriture sociopolitique », le tribunal rappelant que de telles idées sont de libre parcours et donc non protégeables.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Jacques Villeglé, auteur unique de ses œuvres

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