Bruxelles

Zush et ses livres

Un créateur d’univers aux fantasmes dangereusement actifs

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 536 mots

Les amateurs de Peter Gabriel avaient découvert l’œuvre de Zush accompagnant son dernier album et plus particulièrement l’oppressant Digging in the Dirt Zush, alias Robert Porta, artiste catalan né en 1946, est présent à Bruxelles, au Botanique, le Centre culturel de la Communauté française à Bruxelles, avec une soixantaine de livres réalisés depuis 1968 et le First Book Enemy Myself , et à la Galerie Camille von Scholz avec un ensemble d’œuvres récentes.

BRUXELLES - Incarcéré sous Franco, Zush découvrit avec fascination l’univers des schizophrènes. Percevant, dans le principe de dédoublement, une possibilité de se défaire des conventions sociales, Zush a renoncé aux mots d’ordre et aux engagements politiques, pour explorer un univers fantasmatique que l’on rapprochera des architectures du Facteur Cheval ou de l’univers halluciné d’un Augustin Lesage, mais qui se signale par son haut degré de conscience, d’humour et d’ironie, comme si sa schizophrénie volontaire était une forme de critique cultivée.

Un état mental indépendant
Cet artiste à l’univers fantasque s’est constitué un état mental indépendant, Evrugo Mental State, qu’un critique qualifie de "club hédoniste et romantique, idéal pour les gens qui aiment bâtir des châteaux en Espagne et qui ont un faible pour être à la page – au-delà si possible". Zush est un poète, un créateur d’univers aux fantasmes dangereusement actifs, qui font basculer la réalité dans la fiction et consacrent l’imaginaire comme seule valeur arbitraire en marge de la société et du quotidien. Evrugo a sa monnaie, son hymne, son protocole, ses rituels sans que rien n’y ait réellement de fonction ou de sens. Sans ancrage, nomade permanent, Zush travaille inlassablement comme si chaque dessin, chaque livre prolongeait cet ailleurs intérieur qu’est devenu Evrugo. La débauche est accélération, nécessité de trouver dans la répétition une durée qui mêle rêve et fantasme.

Le livre
Le livre occupe une place privilégiée dans cet univers intérieur, peuplé de figures énigmatiques et d’objets fétiches répétés jusqu’à l’obsession. Le livre est un miroir qui renvoie à l’unique sujet qui anime l’œuvre : Zush lui-même, qui se raconte dans des mots indéchiffrables, selon un alphabet sans clés. En quelque cent volumes et plus de trois mille dessins, collages, textes ou gravures, Zush rend compte de la vie intellectuelle d’Evrugo. Chaque page est une carte qui dévoile l’imaginaire selon une fantaisie non dénuée de kitsch. Les techniques sont multiples. Elles font appel aussi bien à la technologie qu’à l’archaïsme, à l’informatique qu’à l’enluminure. L’univers intérieur qui se déploie en de vastes projections sur les murs du Botanique ranime inlassablement les mêmes emblèmes archétypes qui hésitent entre l’anticipation et le cauchemar.

Sous les verrières du Botanique, Zush a reconstitué son atelier afin d’y poursuivre son travail en public. Celui-ci pénétrera ainsi sans visa les frontières d’Evrugo. L’artiste y éditera de nouveaux livres en mêlant images informatisées et créations sur le vif… pour que dure le mystère d’Evrugo.

Zush et ses livres, jusqu’au 24 juillet au Musée du Botanique, tous les jours de 11 à 18h sauf le lundi, nocturne le vendredi. Entrée 150-120-60 francs belges (25, 20 et 10 F environ). Catalogue de 42 p.avec 20 ill.et jusqu’au 16 juillet, du mardi au samedi de 15 à 19 h, à la Galerie Camille von Scholz, 30, rue Vilain -XIII 1050 Bruxelles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Zush et ses livres

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