Art ancien

Histoire de l’art

William Hogarth le démocrate

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 699 mots

Artiste méconnu en France, William Hogarth est considéré comme le fondateur de l’école anglaise de peinture. Le Musée du Louvre lui offre sa première rétrospective française.

PARIS - La popularité de William Hogarth (1697-1764) auprès du public français n’a pas survécu aux caprices du temps. Admiré de son vivant par les intellectuels, comme Denis Diderot, et les artistes, tel Jean-Baptiste Greuze, cette icône de la culture britannique revient en France par la grande porte, celle du Musée du Louvre qui lui consacre sa toute première rétrospective française. L’irréconciliable différence entre les mentalités et les notions esthétiques françaises et britanniques serait à l’origine d’un pareil désaveu. William Hogarth doit en effet son succès à sa volonté de créer une école nationale de peinture typiquement anglaise pour s’affranchir de l’hégémonie artistique continentale. La redécouverte de son œuvre en France ne pouvait donc se passer d’une étude historique de la culture londonienne, tant littéraire, politique que sociale.
La collaboration entre un conservateur du Louvre, Olivier Meslay, et un universitaire, Frédéric Ogée, était essentielle à un tel projet. Leur essai introductif au catalogue de l’exposition est fort instructif. Professeur d’études anglophones à l’université de Paris VII-Jussieu, Frédéric Ogée apporte un éclairage indispensable sur cet esprit so british sur lequel est fondée l’œuvre hogarthienne. L’artiste est un pur produit du Siècle des lumières, dont il a su saisir les opportunités. Victime dès son plus jeune âge de la pauvreté, il a gravi un à un les échelons de la société, acquérant un regard éclairé sur ses contemporains.

Liberté individuelle
Formé à l’art de la gravure, William Hogarth fait ses débuts sur le terrain de la satire sociale et teinte sa morale d’un humour féroce. La mégalopole qu’est devenue Londres au XVIIIe siècle offre pléthore de sujets dont le satiriste fait son pain blanc. Par ailleurs, le développement de la middle class insuffle au marché de l’art une nouvelle énergie et la gravure, plus abordable, prend une importance considérable. Cet essor commercial profite aux ambitions démocratiques d’Hogarth, qui va jusqu’à imprimer ses œuvres sur des papiers de qualité différente pour attirer tous les budgets.
Soucieux d’affirmer les particularités nationales, les travaux d’Hogarth, gravés ou peints, regorgent de caractéristiques essentiellement britanniques. L’exemple le plus flagrant est la structure narrative, laquelle gagne en amplitude par le biais de la sérialisation. Le Zèle et la Paresse (1747) décrit, en douze épisodes, les destinées opposées de deux apprentis, l’un motivé, l’autre nettement moins. Frédéric Ogée relève ici le concept du libre arbitre chéri par Hogarth, et insiste sur la notion de liberté individuelle, sacro-sainte en Grande-Bretagne – le système de carte d’identité obligatoire, par exemple, n’a été instauré que récemment par le gouvernement Blair. Lorsque Hogarth explore l’art du portrait de groupe, il invente le concept de la conversation piece. Ici, les personnages ne sont pas figés mais représentés en action, à tel point que l’artiste se fantasmait en metteur en scène de pantomime. Ses portraits individuels se démarquent des portraits officiels par leur valorisation des qualités morales, et non pas matérielles, des poseurs.
Avec L’Analyse de la beauté publiée en 1753, Hogarth poursuit ses innovations dans la théorie de l’art, déjà amorcées dans ses méthodes d’enseignement égalitaires, basées sur l’observation, de l’école de peinture de St. Martin’s Lane qu’il fonde en 1734. Sa modernité transparaît dans toute son œuvre, dont le parcours de l’exposition regorge d’exemples mordants et truculents. Celui-ci alterne les peintures et les gravures dans une scénographie aérée et bien documentée, pour se terminer sur une touche contemporaine, devenue semble-t-il un must dans les expositions d’art ancien. Les mises en scène des photographies du Journal d’un dandy victorien (1998) de Yinka Shonibare déroulent la même structure narrative et temporelle que les séries d’Hogarth. Mais le choix d’un artiste contemporain capable d’observer ses pairs avec la finesse et l’œil aguerri du peintre britannique aurait sans doute été plus à propos.

WILLIAM HOGARTH 1697-1764

Jusqu’au 8 janvier 2007, Musée du Louvre, 32-34 quai du Louvre, 75001 Paris, tél. 01 40 20 53 17, www.louvre.fr, tlj sauf mardi 9h-18h, 9h-22h les mercredis et vendredis. Catalogue, coédition Hazan et Musée du Louvre, 240 p., 160 ill. couleurs et 30 ill. n & b, 35 euros, ISBN 2 7541 0115 2

WILLIAM HOGARTH 1697-1764

- Commissaires : Olivier Meslay, conservateur au Musée du Louvre et Frédéric Ogée, professeur d’études anglophones à l’université de Paris VII-Jussieu - Nombre d’œuvres : 85 (45 tableaux, 40 gravures) - Nombre de salles : 11 - Mécène : Horace W. Goldsmith Foundationet British Council - Itinéraire : L’exposition ira à la Tate Britain, à Londres (7 février-29 avril 2007) puis à la Caixa Forum, à Madrid (21 mai-26 août 2007)

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : William Hogarth le démocrate

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque