Archéologie

Voyage à Teotihuacan

Le Quai Branly présente une sélection de pièces majeures de la culture de l’ancien Mexique

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2009 - 636 mots

Avec « Teotihuacan », le Musée du quai Branly accueille, à Paris, une rare exposition sur l’archéologie mexicaine

PARIS - L’exposition n’a pas les atours d’un blockbuster, mais elle devrait être l’un des grands succès de cette saison automnale. Car, depuis les années 1960, Paris n’avait accueilli aucune manifestation consacrée à l’archéologie mexicaine. Pour cette exposition, évoquant la cité mythique de Teotihuacan (vers 100 av. J.-C.), le Musée du quai Branly frappe donc fort : 450 objets ont fait le voyage, principalement du Mexique où onze musées ont accepté de prêter leurs œuvres. Certaines d’entre elles, découvertes récemment dans le cadre de fouilles archéologiques, n’avaient encore jamais été exposées. Pourtant, le visiteur risque d’être surpris à la vue des pièces exposées, élégamment scénographiées dans la vaste salle en rez-de-jardin du musée. Pour qui est familier de l’art aztèque, qui est probablement le pan le plus connu et le plus exposé de l’art de l’ancien Mexique, les productions de Teotihuacan sembleront plus austères, moins spectaculaires. Et elles le sont. Mais la « Cité des dieux » (traduction du terme « Teotihuacan » en langue nahuatl), contemporaine des Mayas du Sud-est, a connu son plein épanouissement quelque mille ans avant les Aztèques. Ces derniers tâcheront d’ailleurs de s’inventer une filiation mythique avec leurs prestigieux ancêtres.

Pourquoi cette aura ? Teotihuacan, dont le déclin au milieu du VIe siècle de notre ère demeure inexpliqué, fut avant tout une riche et puissante cité. Située sur l’Altiplano, à 45 kilomètres de l’actuelle Mexico, la ville a été fondée vers 100 av. J.-C. d’après un schéma d’urbanisme strict, qui laisse supposer l’existence d’une organisation administrative centralisée. Une grande maquette présentée dans l’exposition en restitue les grandes lignes : l’axe nord-sud de l’allée des morts relie les principaux monuments, pyramides du Soleil et de la Lune, temple du Serpent à plumes et citadelle. Plusieurs éléments architectoniques tentent également d’évoquer la qualité de l’architecture du site, dont cette monumentale sculpture de Jaguar sacré (350-650), en pierre stuquée, découverte dans le palais Xalla. La présence de plusieurs fragments de peintures murales confirme l’importance de la polychromie de ces constructions préhispaniques. Leur iconographie évoque les animaux mythiques, jaguar ou serpent à plumes, mais aussi les sacrifices humains, pratique confirmée par de récentes découvertes archéologiques. Les très beaux couteaux d’obsidienne aux lames en forme de faucille, présentés dans l’exposition, auraient ainsi servi à planter les cœurs des sacrifiés.

Teotihuacan, où aucune représentation politique de chef n’a été exhumée, était une cité fortement militarisée, devant en partie sa prospérité au contrôle de l’exploitation de l’obsidienne, pierre dure omniprésente dans l’artisanat local. Mais malgré la découverte de quelques pièces plus originales, figurines gigognes, encensoirs en terre cuite ornés de scènes complexes…, l’art de Teotihuacan, et notamment la sculpture, demeure souvent géométrique et rigide. Ainsi des masques, aux formes triangulaires très stylisées, qui constituent un ensemble dans lequel le célèbre Masque de Malinaltepec (300-550), orné d’une mosaïque polychrome de turquoise et de coquillages, fait figure d’exception. Ce dernier témoigne des échanges entretenus avec d’autres territoires, ici de l’ouest, d’où étaient importées des pierres semi-précieuses et des coquillages.

Foulé tous les ans par des dizaines de milliers de touristes, Teotihuacan n’a toutefois pas encore révélé tous ces secrets. Selon les archéologues, 95 % du site n’a pas encore été fouillé. « Dans le centre du Mexique, l’archéologie est dans un état critique, et il est urgent de trouver les ressources nécessaires pour sauver ce qui peut encore l’être », écrit George L. Cowgill, de l’université d’État d’Arizona (Phoenix), dans le catalogue. Espérons que cette exposition puisse y contribuer.

TEOTIHUACAN, CITÉ DES DIEUX, jusqu’au 24 janvier 2010, Musée du quai Branly, 37, quai Branly, 218, rue de l’Université, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr, tlj sauf lundi. Catalogue, coéd. Musée du quai Branly/Somogy, 480 p., 42 euros, ISBN 978-2-7572-0295-1.

Teotihuacan
Commissaire général : Felipe Solis (1944-2009)
Scénographie : Jakob Macfarlane architectes
Nombre de pièces : 450

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Voyage à Teotihuacan

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