Voir VU ou l’origine du photoreportage

L'ŒIL

Le 1 décembre 2006 - 415 mots

Alors que le mois de la photographie vient de célébrer la page imprimée, la Maison européenne de la photographie (MEP) se penche sur le rôle emblématique qu’a joué VU dans l’histoire de la presse française, servant de modèle à de nombreux magazines. Créé en 1928 par Lucien Vogel, homme de presse engagé, VU offre une formule neuve du traitement de l’actualité : longtemps cantonnée à une fonction illustrative, la photographie acquiert une autonomie et devient un vecteur indispensable pour délivrer l’information.
Le photoreportage est né, s’étalant parfois sur plusieurs numéros ; le récit en images inspiré du cinéma fait ses débuts. Servi par les tons chaleureux de l’héliogravure et par une maquette novatrice, VU parvient à équilibrer deux modes d’expressions indépendants : les textes des meilleurs auteurs et les clichés des plus grands photographes.
Germaine Krull, André Kertész, Maurice Tabard font partie des collaborateurs indépendants des premiers jours. Leurs noms apparaissent sous les clichés, participant ainsi à la constitution progressive du statut d’auteur. De nombreuses agences fournissent également les images de cet hebdomadaire au sommaire varié : rubriques scientifiques, ­culturelles, féminines et sportives côtoient les événements internationaux.
Le graphisme, confié à Alexandre Liberman, atteint une audace jamais égalée : verso conçu comme une couverture, photographies en pleine page, jeux sur les plans… Chaque page participe à la construction du discours informatif.
Les numéros spéciaux, grandes enquêtes internationales qui ont éveillé de nombreuses critiques, sont particulièrement aboutis.
Les choix iconographiques de la rédaction forment l’identité politique de ce journal pacifiste. Parce qu’elle est publiée dans un contexte particulier, mise en page et parfois agrémentée d’une légende, la photographie adopte un parti pris et devient une interprétation de l’événement. Le travail du photographe et le statut de témoin qu’on lui accorde jouent également un rôle capital dans la perception du sujet.
Revendiquant une objectivité constante, VU appelle davantage son lecteur à réfléchir et à se mobiliser. En témoignent les photomontages de couverture aux titres accrocheurs et volontiers dénonciateurs. En rapprochant aujourd’hui les parutions, s’impose la force visuelle des couvertures, notamment dans l’analyse de la crise mondiale, la montée du nazisme et la marche vers la guerre.
Ces différentes prises de position, notamment en faveur des républicains espagnols, provoquent le renvoi de Vogel en 1936 puis le départ de son équipe. VU cesse de paraître en 1940.

« Regarder VU, magazine photographique 1928-1940 », Maison européenne de la photographie, 5-7, rue de Fourcy, Paris IVe, tél. 01 44 78 75 00, du 2 novembre 2006 au 25 février 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°586 du 1 décembre 2006, avec le titre suivant : Voir VU ou l’origine du photoreportage

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