Art contemporain

Vincent Bioulès, pour le meilleur et le moins bon

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 2019 - 513 mots

MONTPELLIER

La rétrospective du Musée Fabre montre involontairement pourquoi l’un des fondateurs de Supports/Surfaces aurait dû garder sa ligne radicale. Certains paysages épurés sont toutefois remarquables.

Montpellier. D’après la tradition, il n’y a pas d’avant ou d’après dans l’Ancien Testament ; l’éternel échappe à la temporalité. Manifestement, c’est le cas de la production picturale de Vincent Bioulès (81 ans). À l’entrée de l’exposition présentée au Musée Fabre, trois paysages vus d’une fenêtre. Le premier, daté de 1965, La Persienne à Saint-Tropez, est presque une citation de la Porte-fenêtre à Collioure de Matisse, artiste admiré par Bioulès. Aplatie, presque monochrome, la toile frôle l’abstraction. Quinze ans plus tard, Fenêtre à la mappemonde reprend le même motif d’une manière nettement plus figurative, tout en essayant d’abolir les frontières entre intérieur et extérieur, une autre problématique matissienne. Enfin, en 2015, Bioulès peint une troisième toile, au titre bucolique, Le Mois d’août, qui fait la synthèse entre Bonnard et le maître fauve. En somme, sur un demi-siècle, selon les commissaires de la monographie présentée au Musée Fabre, l’artiste poursuit « une interrogation sur les rapports entre le réel et la peinture » « la fenêtre – utilisée depuis la Renaissance comme une métaphore du tableau – est un motif dont la récurrence témoigne de la permanence de ce questionnement ».

Des portraits «éternels», des nus académiques

Il est difficile de découvrir ici une quelconque originalité à ce sujet. Le constat est d’autant plus étonnant qu’il s’agit d’un artiste dont la place dans l’avant-garde de la seconde partie du XXe siècle reste indéniable. Celui qui fut un des membres fondateurs de Supports/Surfaces – on lui attribue même le titre du groupe – déclarait en 1970 : « La surface ne sera plus composée, hiérarchisée, la couleur n’y sera que distribuée d’une manière régulière et déterminée à l’avance, c’est-à-dire de façon systématique. » Et de fait, quelques œuvres illustrant cette période sont présentées au Musée Fabre. Intitulés Sans titre et datés de 1969 et 1970, deux tableaux de grand format sont réalisés à partir de plusieurs panneaux assemblés, aux couleurs différentes, toutes posées en aplats. Leurs contours nets, leurs formes géométriques les rapprochent du hard edge américain ou de l’abstraction radicale de Barnett Newman. Comment comprendre dès lors qu’après avoir prêché un ascétisme pictural, Bioulès reprenne une peinture d’une modernité soft ? Certes, Jean Hélion ou Philip Guston sont également revenus, après leurs années abstraites, à la figuration. Sauf que, dans leur cas, cette nouvelle figuration a digéré la leçon de l’abstraction. Bioulès, lui, semble avoir oublié cette aventure. La rétrospective que lui consacre Montpellier, sa ville natale, montre une œuvre d’une qualité inégale. C’est en particulier le cas des portraits, regroupés sous le titre ronflant de « Basculer de l’instant dans l’éternité », et surtout celui des nus féminins académiques, d’un goût douteux.

En revanche, parmi les paysages, on trouve quelques perles. Tantôt recouverts de touches « peluchées », à l’exemple de Paysage des Albères (2005-2006), tantôt stylisés à l’extrême, réduits à l’essentiel, comme ces deux plages de couleurs à peine séparées par une fine ligne d’horizon dans Un soir, l’étang, 2016, ces œuvres sont de véritables poèmes imagés.

Vincent Bioulès, Chemins de traverse,
jusqu’au 6 octobre, Musée Fabre, 39, bd Bonne-Nouvelle, 34000 Montpellier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°527 du 5 juillet 2019, avec le titre suivant : Vincent Bioulès, pour le meilleur et le moins bon

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