Vik Muniz, les diamants sont éternels

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 septembre 2004 - 455 mots

Vik Muniz nous a habitués à des prouesses en maniant les matériaux les plus incongrus comme le chocolat, les fils de fer, des clous, de la confiture, des épices ou du ketchup pour reprendre à son compte des compositions de maître et des clichés internationalement connus, œuvres de Warhol en tête. Dans les mains du peintre-cuisinier-équilibriste et photographe brésilien, la nourriture se fait grand art et tire le portrait très éphémère de stars, on pourrait même parler de standards, Elvis, Marilyn ou Liz Taylor. Après un petit passage à vide avec une série érotique de photographies à partir d’images réalisées en pâte à modeler, Vik Muniz présente de nouveaux portraits aux matières toujours aussi farfelues. Même s’il se défend d’utiliser les matériaux dans le seul but de réaliser un exploit ou de tirer parti de leur incongruité, l’artiste en est arrivé à un point où il ne peut esquiver ce genre de suspicions ou de facilité. Surtout avec des diamants. Ses premières « divas de diamants » étaient américaines : Bette Davis, Elizabeth Taylor, Marlene Dietrich, Grace Kelly et Marilyn Monroe. Et à l’instar de leurs consœurs européennes exposées cette fois-ci à Paris – Brigitte Bardot, Sophia Loren, Maria Callas, Monica Vitti et Catherine Deneuve –, elles ont toutes nécessité cinq cent cinquante carats chacune pour voir leur visage apparaître, se pixeliser à grands frais. Autrefois, les icônes étaient feuilletées d’or, richement ornées de gemmes et autres pierres précieuses, puis elles s’étaient « démocratisées ». Warhol lui-même avait disposé de la poudre de diamants sur certaines de ses toiles de grand format au sujet banal, et Muniz appartient à cette lignée. Croit-on, car les diamants sont retournés depuis belle lurette à l’obscurité des coffres et n’auront aucun effet sur le prix de vente des clichés, hormis psychologique. Muniz s’amuse en ajoutant un fantasme de plus à ces images, une mise en abyme en quelque sorte de ces femmes de papier glacé, des symboles sexuels et des icônes à jamais figées, aussi irréelles que ces élucubrations brillantes. Le diamant est censé être éternel, ici on admirera juste son souvenir face à des portraits de monstres de cinéma : Frankenstein, Dracula, le fantôme de l’Opéra… Eux n’ont pas les honneurs des petits cailloux de grande pureté, mais goûtent aux perles noires de la Caspienne, le caviar, qui dessine leur visage avec précision et leur confère un magnétisme certain. Muniz déjoue une fois de plus, avec légèreté et facétie, notre identification du photographique, la part de l’œuvre à discerner de l’enregistrement documentaire, une problématique, un difficile équilibre qui chatouille bien des photographes de Natacha Lesueur à Patrick Tosani.

« Vik Muniz, Diamond Divas & Caviar Monsters », PARIS, galerie Xippas, 108 rue Vieille du Temple, IIIe, 11 septembre-23 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : Vik Muniz, les diamants sont éternels

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