Vertige existentiel au Prix Marcel-Duchamp

À l’étage des collections, celle-ci investit une galerie du niveau inférieur du musée dont on peut regretter que les plafonds soient un peu bas et qu’elle débouche sur un escalier. Mais chacun des quatre artistes – Bianca Bondi, Eva Nielsen, Lionel Sabatté et Xie Lei, le lauréat de cette édition 2025 – a su tirer le meilleur pari de son espace. L’installation d’Eva Nielsen (née en 1983), peintre, photographe et plasticienne, prend la forme d’une juxtaposition de panneaux textiles et d’une grande toile murale, selon des effets de strates (peinture, sérigraphie, photo…) caractéristiques de ses paysages composites. Bianca Bondi (née en 1986) orchestre des décors de contes de fées en artiste alchimiste – l’érosion du sel vient transformer les objets et le mobilier de sa Silent House. Elle œuvre aussi en coloriste : les solutions liquides des bassins salins sont teintées de bleu et de rose tendres. Lionel Sabatté (né en 1975) a imaginé un parcours de présentation comme une déambulation, de ses hautes sculptures en roche volcanique à tête d’oiseaux, jusqu’à la toile monumentale qu’il a réalisée pour ce projet, dans laquelle s’amalgament des pigments et des fragments de soie. Une série de petits portraits esquissés à partir de résidus trouvés au musée occupe un pan de mur, tandis que dans la montée des marches a nidifié un ensemble de volatiles en bronze oxydé. Une composition abstraite plus ancienne réalisée à partir de peaux mortes, figure également dans l’exposition. Quant au lauréat, Xie Lei (né en 1983), il a pour médium de prédilection la peinture. Il a produit pour cette présentation huit toiles dans des camaïeux de vert et de bleu, dont le format vertical impose une frontalité immédiate. Les silhouettes sans visage qui les traversent semblent entraînées dans une chute sans fin, expression d’un vertige existentiel à la fois intemporel et très contemporain.