Une maison tropicale d’un million et demi de dollars a pris ses quartiers sur la terrasse du Centre

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 424 mots

Début janvier, la nouvelle avait fait grand bruit. Un collectionneur privé américain et la Georges Pompidou Art and Culture Foundation qu’il préside faisaient don au Centre Pompidou d’une maison de Jean Prouvé, une des trois seules qui existent au monde. Un cadeau somptueux d’un million et demi de dollars, réglés par cet ancien trader, reconverti dans l’enseignement de l’architecture à l’université de Columbia.

Une maison usinée comme une automobile
Robert Rubin s’était déjà distingué il y a quelques années en achetant la fameuse maison de verre que Pierre Chareau construisit entre 1928 et 1931 dans le VIIe arrondissement à Paris. Collectionneur passionné du mobilier signé par l’ingénieur-architecte Prouvé, Rubin avait missionné une équipe pour sauver cette maison en kit de la déréliction certaine qui la guettait à Brazzaville. Plusieurs années ont été nécessaires à son rapatriement et sa restauration. Mais le résultat est là, sur l’une des terrasses du cinquième étage du Centre Pompidou.
La fameuse maison tropicale (le petit modèle de 140 m2) réalisée pour répondre au concours lancé par l’administration De Gaulle en 1947 afin de pallier le manque d’infrastructures dans les colonies. Prouvé applique alors à l’architecture les techniques de la production industrielle et aéronautique et conçoit une habitation démontable, légère, parfaitement respectueuse de l’environnement et adaptée aux conditions climatiques des pays d’Afrique. Il les appelle ses « maisons usinées comme des automobiles » ! Montées sur pylônes, elles s’adaptent au terrain, avec leur plateau sur pilotis fermé par des parois ajourées et coulissantes.
La structure préfabriquée est fonctionnelle mais élégante, jouant avec la lumière grâce à un quadrillage d’ouvertures circulaires, vitrées en bleu. Elle est surtout facile à monter, deux semaines seulement, et, bien sûr, économique.

Une salle dédiée aux créations de l’architecte
Mais le projet ne trouve pas preneur. Seulement trois exemplaires seront réalisés en 1951 dans l’usine que possédait Prouvé dans la périphérie nancéenne avant d’être expédiées au Congo-Brazzaville. Prouvé était trop en avance sur son temps.
Si la maison n’est pas ouverte au public, on peut suivre pas à pas sa conception grâce aux documents rassemblés dans une salle adjacente. On comprend ainsi parfaitement le système Prouvé, les éléments modulaires, le goût pour les structures épurées reproductibles à la chaîne. D’ailleurs, de nombreux exemples du mobilier qu’il conçut à l’époque, témoignent de cette clairvoyance, bercée par la voix du maître visible dans une vidéo.
Le cadeau tombe à point nommé en cette année anniversaire, célébrant l’œil visionnaire de Prouvé, qui, en 1971, alors président du jury du concours architectural du Centre Pompidou, eu l’audace de le confier aux tout jeunes Rogers et Piano.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Une maison tropicale d’un million et demi de dollars a pris ses quartiers sur la terrasse du Centre

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