Une esquisse du Baroque

Chicago accueille des terres cuites du Bernin et de l’Algarde.

Le Journal des Arts

Le 24 avril 1998 - 523 mots

Le Bernin a laissé sa marque lyrique et tourmentée à travers Rome : son nom est attaché aux statues et à la colonnade de la place Saint-Pierre, au pont Saint-Ange, au trône de saint Pierre et au dais de bronze du maître-autel de la basilique. Pour le quatrième centenaire de sa naissance, l’Art Institute de Chicago et le Philadelphia Museum of Art exposent une douzaine d’études en terre cuite de ses réalisations monumentales, aux côtés de 23 autres bozzetti de grands maîtres du Baroque.

CHICAGO (de notre correspondant) - Au milieu du XVIIIe siècle, pressentant l’usage que pourrait faire l’enseignement des arts plastiques des études en terre cuite (bozzetti) du Bernin et de ses contemporains, Filippo Farsetti, un riche abbé vénitien, fait l’acquisition de plusieurs pièces. En visite à Venise, le futur tsar de Russie Paul Ier est séduit par ces œuvres, qui rejoindront l’Aca­démie des Arts de Saint-Pétersbourg après son accession au trône.

Oubliées dans les vastes réserves du Musée de l’Ermitage, ces terracotta baroques ont été rarement vues et très peu étudiées. Aussi, lorsque, dans les années quatre-vingt, les conservateurs de l’Art Institute de Chicago et du Me­tropolitan de New York développent un programme d’échan­ges d’expositions avec l’Union soviétique, Ian Ward­ropper, conservateur pour les arts décoratifs et la sculpture européenne à Chi­cago, tombe en arrêt devant la collection Farsetti. Après de longues tractations, il obtient de la présenter pour la première fois aux États-Unis.

L’esprit baroque
La sélection russe de 35 œuvres de 14 artistes – dont douze du Bernin et six de son plus célèbre contemporain, l’Algarde – devrait séduire à la fois les connaisseurs et le grand public. L’architecte John Vinci a transformé l’espace d’exposition de l’Art Institute de Chicago en une nef de cathédrale, avec des chapelles latérales thématiques. Les murs richement colorés, les passages voûtés et l’éclairage spectaculaire donnent un effet théâtral, conforme à l’esprit baroque. Enfin, de grandes photographies noir et blanc des sculptures in situ permettent de comparer les études aux œuvres, sans diminuer l’intérêt des terres cuites elles-mêmes.

Les fervents du Bernin admireront particulièrement l’esquisse pour L’Extase de sainte Thérèse (1643-1644) : les plis de l’habit de la sainte contiennent en germe toute la puissance de l’œuvre que l’on peut voir dans la chapelle Cornaro de Santa Maria della Vittoria. Les visiteurs moins familiers du Baroque – comme ceux que rebutent ses excès – verront dans ces bozzetti une pureté parfois difficilement perceptible dans la monumentalité des œuvres finales. Le modèle du saint Ambroise (1657-1658) qui figure sur le trône papal devient ainsi une étude presque abstraite de la souffrance sublimée par la grâce.

La puissance contrôlée et l’infinie précision de l’Algarde, grand rival du Bernin, sont illustrées par ses sculp­tures préparatoires du bourreau de la Décapitation de saint Paul (1635, Bologne) et de deux saints pour les Trois Martyrs (Rome).

BOZZETTI BAROQUES, jusqu’au 3 mai, Art Institute, 111 South Michigan Avenue, Chicago, tél. 1 312 443 3600, tlj 10h30-16h30, mardi 10h30-20h, samedi 10h-17h, dimanche et jf 12h-17h. Du 16 mai au 2 août, Philadelphia Museum of Art, 26 Benjamin Franklin Parkway, tél. 1 215 763 8100, tlj sauf lundi et jf 10h-17h, mercredi 10h-20h45.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Une esquisse du Baroque

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