Art moderne

XXE SIÈCLE

Un Tal-Coat en mutation

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 13 février 2019 - 446 mots

PONT-AVEN

Le Musée de Pont-Aven montre les deux périodes de l’artiste, de la figuration d’avant la Seconde Guerre mondiale à l’abstraction et son rapport à la matière vingt ans plus tard.

Pont-Aven (Finistère). Accrochées à l’entrée, deux œuvres résument la production picturale de Pierre Tal-Coat (1905-1985). L’une a été reproduite pour l’affiche de l’exposition du Musée de Pont-Aven, Nu aux bas rouges (1934). Le tableau représente une femme assise, une jambe posée sur l’autre, le regard plongé dans le vague. Les contours du corps anguleux s’inscrivent dans un style post-cubiste. Les couleurs agressives – rouge, jaune, vert, orange – forment un contraste avec la posture mélancolique du modèle. Comme le montre la première partie de cette quasi-rétrospective, c’est presque jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale que Tal-Coat pratique la figuration. On trouve ici un impressionnant portrait de Gertrude Stein (1935), un joli paysage stylisé géométriquement (Paysage de Doëlan, 1937) ou encore quelques vanités plus ou moins originales. Puis, inspirée par la guerre d’Espagne, la série des « Massacres », aux figures macabres et aux tonalités stridentes, est formée d’images qui n’échappent pas au pathos.

Entre l’informe et la forme

Reprenons le fil du parcours à partir de la seconde toile : Les Raies (1927 [voir ill.]). Même si le sujet reste reconnaissable, son choix n’a rien d’innocent. La peau transparente, la chair faite d’accumulations de traits et d’enchevêtrements de stries laissent transparaître le style qui fera la renommée de l’artiste : entre la ligne et la masse, entre l’informe et la forme. Le sujet est d’autant moins anodin qu’une vingtaine d’années plus tard, au milieu du cycle des « Arborescences » et ses formes abstraites composées d’arabesques, Tal-Coat réalise d’autres versions de la même raie (1946 et 1948) ; ces dernières ne gardant qu’une lointaine évocation de leur origine. C’est à ce moment que le peintre commence sa « grande mutation » (Jean Leymarie), s’orientant vers la recherche d’une plus grande pureté formelle. Des rochers ou des cascades pour lesquels l’artiste emploie un procédé analogue à celui de la croissance de la nature, pour des œuvres d’une fluidité et d’une mobilité extraordinaires.

Puis, en fin de parcours, surgit toute la poésie de l’artiste. Comme dans cette magnifique toile, Sortant du rocher 1 (1965), où un visage dépourvu de traits fait son apparition. Visage encore, l’Autoportrait de 1982, aveugle, comme englouti dans la matière. Mais ces visages ou tout autre thème choisi par Tal-Coat – l’aube, la clarté, la carrière –, telles des suggestions, s’adressent à l’imaginaire. L’artiste aurait pu reprendre la phrase d’André Masson : « Je ne suis pas en train de faire de la peinture, je suis dans la peinture. » (A. Masson, Le Plaisir de peindre, La Diane française, 1950).

Tal-Coat, en devenir,
jusqu’au 10 juin, Musée de Pont-Aven, place Julia, 29930 Pont-Aven.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : Un Tal-Coat en mutation

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