Un sculpteur à cheval

Rouen rend hommage à Duchamp-Villon

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 mars 1999 - 473 mots

Le Musée national d’art moderne - Centre Georges Pompidou et le Musée des beaux-arts de Rouen conservent à eux deux un ensemble exceptionnel d’œuvres de Raymond Duchamp, dit Duchamp-Villon. La cour intérieure de l’institution normande propose, à partir des deux fonds, une rétrospective documentée de cet artiste prometteur qui a passé toute sa jeunesse à Rouen, avant de décéder prématurément en 1918.

ROUEN. La première salle de l’exposition Duchamp-Villon (1876-1918) réunit à la fois certaines de ses œuvres de jeunesse et un ensemble de documents qui retracent les principales étapes de sa courte carrière. Ces lettres, photographies d’époque et dessins voisinent avec quelques petites pièces exceptionnelles, rarement montrées puisque demeurées en mains privées, à l’image de Promenade ou Yvonne Bon à l’ombrelle (1904), d’Ésope (1903) ou du Crabe (1905), un crustacé faisant office d’encrier dans le goût de l’Art nouveau. La première salle de sculpture proprement dite met en valeur la dextérité d’un créateur encore à la recherche de son style, hésitant entre la puissance d’un Rodin et une sculpture plus lisse, plus arrondie, dont le tenant serait Maillol. L’artiste connaît bien aussi l’œuvre sculpté de Gauguin, comme en témoigne sa petite Cariatide en bois, une matière que le Normand appréciait tout particulièrement. À partir de 1911, le frère de Jacques Villon et de Marcel Duchamp participe aux débats de la “Section d’Or” qui réunissent, le dimanche à Puteaux, La Fresnaye, Léger, Cocteau, Gleizes, Metzinger, Kupka... Ces discussions influencent profondément ses œuvres, dont les formes se simplifient et se recomposent. À la demande du critique littéraire Jacques Crépet, il commence à travailler, en 1911, à la réalisation d’un portrait de Baudelaire. Duchamp-Villon exécute plusieurs de ces visages simplifiés, surmontés d’une très grande voûte crânienne donnant au poète un aspect grave. L’exposition comprend notamment une version en plâtre teinté terre cuite, donnée anonymement par l’artiste au Musée d’art normand de Rouen, en 1912. Ces recherches aboutiront la même année à Maggy, un étonnant portrait de la femme du poète et peintre Georges Ribemont-Dessaignes. Ici, le visage est entièrement recomposé, stylisé, simplifié ; il prend en même temps une grande majesté et devient dans un sens emblématique. À côté de maquettes de la Maison cubiste (lire notre Vernissage sur le Cubisme, pages 13 à 17), différents états des Amants permettent d’en mesurer toute l’évolution, de même que pour la série Cheval, du Cavalier droit où la notion de statue équestre prime encore jusqu’à la fusion avec le cheval vapeur dans Cheval majeur. La manifestation réunit encore des pièces étonnantes, comme cette Tête du professeur Gosset réalisée durant la Première Guerre mondiale. Au final, seul peut-on rester circonspect sur les couleurs choisies pour les cimaises, un marron-beige et un bleu soutenu.

DUCHAMP-VILLON

Jusqu’au 24 mai, Musée des beaux-arts, square Verdrel, 76000 Rouen, tél. 02 35 71 28 40, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue, 160 p., 190 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°78 du 5 mars 1999, avec le titre suivant : Un sculpteur à cheval

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