Amsterdam (Pays-Bas)

Un musée dans la guerre

Stedelijk Museum Jusqu’au 31 mai 2015

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 15 avril 2015 - 396 mots

Le 14 mai 1940, les avions de la Wehrmacht rasent entièrement le centre-ville de Rotterdam. Seule l’église médiévale Saint-Laurent, détruite par les flammes, ne plie pas sous le poids des bombes.

La bataille des Pays-Bas n’a commencé que depuis quatre jours que, déjà, elle se termine. Le commandement néerlandais préfère en effet capituler devant l’envahisseur allemand et éviter ainsi à d’autres villes de subir le même sort. Cet épisode sera vécu par les Néerlandais comme un traumatisme ; il le restera longtemps. La preuve, c’est par le portrait d’une femme devant les ruines de Rotterdam par le peintre Charley Toorop (1943) que s’ouvre, à Amsterdam, l’exposition « Le Stedelijk Museum et la Seconde Guerre mondiale ». Le Musée d’art moderne et contemporain de la ville rappelle à ses visiteurs qu’Amsterdam fut épargnée, et ses précieuses collections avec elle. Cette passionnante exposition raconte l’histoire du musée : celle de ses collections (qui n’étaient pas celles qu’elles sont devenues aujourd’hui), de ses collaborateurs (parfois touchés par les lois raciales, comme Hans Jaffé, travailleur volontaire juif qui participera aux Monuments Men) et de deux hommes, David Röell (directeur des musées d’Amsterdam) et Willem Sandberg (conservateur au Stedelijk). Sentant l’invasion imminente – L’Agitateur de Grosz, première peinture d’un artiste vivant acquise par le Stedelijk en 1929, le rappelle –, ces derniers décident en 1939 de faire construire en dehors d’Amsterdam un bunker, le Castricum, afin de protéger les collections. Le 28 août, l’évacuation des œuvres commence ; elles seront rejointes par celles du Rijkmuseum (dont  La Ronde de nuit de Rembrandt, roulée) et de collectionneurs particuliers, dont les collections Van Gogh, Regnault et, plus tard, de la famille royale comme de familles juives exilées. L’exposition est remarquable. D’abord parce qu’elle raconte les actes de résistance de Röell et Sandberg – en 1941, les deux hommes prétextent la préparation d’une exposition pour visiter l’Allemagne et livrer des informations à la résistance –, sans jamais tomber dans l’héroïsme béat. Ensuite parce qu’elle retrace l’itinéraire d’œuvres qui font aujourd’hui la collection du musée : certaines, qui appartenaient à des collectionneurs juifs exilés aux Pays-Bas, furent par exemple achetées par Regnault sur les conseils de Röell, protégées dans le Castricum, puis acquises après-guerre par le Stedelijk. Cela n’est pas sans poser des questions que le musée a le courage d’affronter à travers cette exposition, fruit d’un travail d’investigations sur les acquisitions faites depuis 1933.

« Le Stedelijk Museum et la Seconde Guerre mondiale »

Stedelijk Museum, Museumplein, Amsterdam (Pays-Bas), www.stedelijk.nl

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°679 du 1 mai 2015, avec le titre suivant : Un musée dans la guerre

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