Art contemporain

Un Marcel Dinahet inattendu

Par Christophe Domino · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2019 - 518 mots

L’artiste breton présente au Frac Bretagne une œuvre à la fois immersive et collaborative.

Rennes (Ille-et-Vilaine). Son titre même, « Sous le vent », inscrit l’exposition du Frac Bretagne dans le grand large du paysage maritime. On connaît Marcel Dinahet (né en 1943) par ses installations vidéo qui mènent souvent le spectateur entre deux eaux, le long des côtes, sauvages ou urbaines, minérales ou portuaires. Son usage de la caméra – de sa caméra « flottée » peut-on dire, comme on le dit d’une pièce de bois – fait écho à sa pratique originelle de sculpteur, et sa prise en compte de l’espace et du volume qui déplace le regard.

Mais rétif à l’idée de rétrospective, l’artiste a conçu une proposition nouvelle, avec des œuvres très récentes et inattendues. Il a souhaité la partager avec plusieurs des artistes avec lesquels il collabore depuis une dizaine d’années au sein du collectif « Suspended Spaces ».

Empreintes de pas et sonorités de sols foulés

Le parcours, très découpé en raison de la configuration des salles, s’articule en trois temps. À côté d’une petite sélection de pièces d’invités qui manque un peu de lisibilité par rapport au reste de l’accrochage, l’artiste présente quelques vidéos sur écran qui touchent à l’univers aquatique qu’on lui connaît. S’imposent surtout les dessins : une séquence de plus de 200 formats carte postale à l’encre, intime et proche de l’écriture, et un ensemble de grands formats où la feuille a recueilli l’empreinte au noir d’un mouvement, de pas indiquant un possible tour sur soi-même, ou l’idée même du panoramique à 360° offert par l’espace maritime.

L’accrochage, l’espace, le nombre de dessins peut-être, ne permettent pas d’en tirer toute la force, celle d’une performance qui prend tout son sens dans la plus vaste salle du Frac. Un triptyque de séquences vidéo sonores entraîne le spectateur dans une course sur les grèves, dont la caméra enregistre trois paysages dynamiques issus des différents sols foulés, et leurs sonorités spécifiques, souvent minérales. À l’autre extrémité de la salle, le silence se fait avec une pièce aussi simple formellement (une nef de bois ravagée par le feu) que puissante symboliquement : la figure du désastre s’y lit sans verbiage, comme un jeu d’enfant qui tournerait mal. La conquête humaine et sa géopolitique sacrificielle n’en est-elle pas déjà là ?

À mi-parcours, la salle centrale dénommée « Sous le soleil » est transformée en une très obscure black box qui apporte un autre temps, méditatif et fascinant, fait de simples reflets de soleil dans des gouttes et flaques d’eau. L’œil de la caméra sait trouver des figures aussi furtives qu’innombrables, où la pure lumière devient peinture.

Un regard sur l’ensemble de la proposition (localisations, collaborations, publications) donne la mesure de l’idée paysagère de l’artiste, qui ne saurait se contenter d’un impressionnisme naïf. Il partage en effet avec ses moyens propres les symptômes du monde tel qu’il va, préparant avec et parmi les chercheurs réunis dans le programme « Suspended Spaces » un ouvrage collectif – en guise de catalogue. C’est à ces différentes échelles – de l’image, du territoire, de la pensée – que l’exposition prend toutes ses dimensions et sa dimension.

Marcel Dinahet. Sous le vent,
jusqu’au 10 novembre, Fonds régional d’art contemporain Bretagne, 19, avenue André-Mussat, 35011 Rennes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Un Marcel Dinahet inattendu

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