Spectacle vivant

Un fauve lâché à l’Opéra

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 553 mots

La Bibliothèque-Musée de l’Opéra, à Paris, revient sur les décors et les costumes
dessinés par André Derain pour le théâtre et l’opéra.

 PARIS - Les premiers pas d’André Derain (1880-1954) dans le monde du spectacle vivant se firent par le biais du théâtre. Lorsqu’en 1918 il conçoit les décors de L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel, alors qu’il est encore mobilisé en Allemagne, son sort est joué. Mais c’est la danse qui le séduira. En trente-cinq ans, ce mélomane averti se consacrera à la réalisation des décors et costumes de treize ballets pour les plus prestigieuses compagnies. « André Derain et la scène », à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris, rappelle le talent scénographique du peintre, plus connu pour ses recherches picturales à Collioure, en compagnie d’Henri Matisse, à l’origine du fauvisme dont on fête cette année le centenaire.
Sur invitation de Serge de Diaghilev, directeur des Ballets russes, Pablo Picasso avait ouvert la brèche en 1917. Ses décors et costumes cubistes pour Parade étaient à l’avant-garde de la tradition scénographique. Diaghilev s’adresse deux ans après à André Derain pour le nouveau spectacle des Ballets russes en création à Londres, La Boutique fantasque. C’est alors que débute la fabuleuse aventure de l’artiste dans le monde de la danse. Roland Petit, George Balanchine, l’Opéra de Paris, le Grand Ballet du marquis de Cuevas… Tous font appel à la touche éclatante du peintre qui, s’il a vite abandonné le fauvisme pour un retour controversé au classicisme, n’a jamais perdu sa force de coloriste. Qu’il puise son inspiration dans le folklore russe ou dans l’Antiquité, Derain conserve sa fantaisie et son originalité. Nourri d’une passion évidente pour la musique et la danse, il s’adonne dès 1932 à l’écriture de livrets – La Concurrence (1932), Les Songes (1933), Fastes (1933), Que le diable l’emporte (1948). Rares sont les occasions où il ne participe pas au choix des musiques, des étoffes, des costumes et des maquillages des danseurs…
La scénographie de l’exposition rend hommage à son œuvre gai et bigarré. Ses couleurs franches (rouge, jaune, bleu et même vert, la couleur maudite sur scène !) habillent les cimaises et les larges tentures, disposées à la manière de rideaux de scène entre les salles du parcours. L’expérience est d’autant plus savoureuse qu’elle se déroule au cœur du palais Garnier, haut lieu de la création scénique. Le ballet Salade (version de 1935), par exemple, reprend quasiment vie grâce à la mise en parallèle des gouaches des costumes imaginés par Derain (parfois dotées d’échantillons de tissu), les habits correspondants (provenant des collections de l’Opéra national de Paris et présentés en vitrine), et les photographies du spectacle par Roger Pic.
En juin 2003, le théâtre du Châtelet a présenté Parade et son célèbre rideau de scène, conservé au Centre Pompidou, sur le lieu même de sa création en 1917. Les décors et costumes originaux, également signés Picasso, ont revécu grâce au ballet de l’Opéra de Bordeaux, dont le spectacle Picasso et la danse comprenait aussi Icare (1935), Le Tricorne (1919) de Manuel de Falla et le Cuadro Flamenco (1921)… Verra-t-on bientôt un Derain et la Danse ?

ANDRÉ DERAIN ET LA SCÈNE

Jusqu’au 28 août, Bibliothèque-Musée de l’Opéra, palais Garnier, 9, place de l’Opéra, 75009 Paris, tél. 01 47 42 07 02, tlj 10h-18h. Catalogue, éd. BNF, 48 p., 6 euros, 2-71772-273-4.

ANDRÉ DERAIN ET LA SCÈNE

- Commissaires : Hélène Celhay de Larrard, chargée d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), Mathias Auclair, conservateur à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra - Scénographe : Alain Batifoulier - Nombre d’œuvres : 131 (huiles, gouaches, costumes, lettres, photographies,…), dont une grande partie offerte en dation à l’État par la famille Derain et mise en dépôt à l’Opéra de Paris par le Musée national d’art moderne/Centre Pompidou - Nombre de salles : 5 (dont une salle audiovisuelle)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Un fauve lâché à l’Opéra

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