Un art jeune pour le Vieux Continent

Le marché vu par les galeristes

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 948 mots

À la différence de New York, où se vendent toutes les formes d’expression de la photographie, Paris reste spécialisée dans le XIXe et la première moitié du XXe siècle. La photographie contemporaine doit encore y faire ses preuves. Galeristes et marchands s’expriment.

"La photographie est née avec les États-Unis." Selon Léon Herschtritt, cela explique le retard pris par l’Europe. "La première galerie de photographie s’est ouverte dans les années vingt à New York, alors qu’il a fallu attendre les années soixante-dix et Agathe Gaillard pour la voir faire son apparition dans une galerie parisienne", explique encore ce marchand parisien. Daniel Lesbaches, de la galerie du Jour Agnès B, considère également que le marché est outre-Atlantique. "Le marché parisien arrive en seconde position pour les vintages, devant l’Allemagne, alors que cette dernière domine le contemporain en Europe, mais loin derrière New York." Pour Michel Durant-Dessert, "il n’existe pas un mais plusieurs marchés de la photographie". Et d’après Harry Lunn, si les galeries de photographies contemporaines sont nombreuses à Paris, la capitale française est "plus tournée vers les œuvres du XIXe siècle". Le marchand d’origine américaine explique cette répartition par "l’importance du fonds français qui, pas encore totalement découvert, attire en masse les collectionneurs londoniens et bruxellois". C’est d’ailleurs cette capacité de la place parisienne à faire venir des amateurs étrangers qui, selon Thierry Marlat, directeur de la galerie Zabriskie, "a permis à la marine de Gustave Le Gray, Le vapeur, d’atteindre à Chartres l’enchère record de 560 000 francs, portée par Michael G. Wilson, le producteur américain des aventures de James Bond". Michèle Chomette tient cependant à préciser qu’à côté de ce marché international, en existe un autre franco-français : "Les photographies historiques proposées en salles des ventes intéressent des amateurs qui ne sont pas des collectionneurs et n’ont pas les moyens de s’offrir des œuvres véritablement importantes". Elle considère d’ailleurs que le récent succès rencontré en vente publique par la photographie est "une bonne chose, car cet art intéressera des amateurs qui viendront ensuite dans une galerie".

Médium et œuvre d’art
Pour le contemporain, Paris souffre en revanche d’un retard sur l’Allemagne et de l’absence de collectionneurs importants. Christine Ollire, responsable de la galerie Filles du Calvaire, déclare que "les amateurs sont de plus en plus nombreux, mais il n’existe pas encore véritablement de marché". Elle n’en demeure pas moins confiante. Même si la photographie ne représente que 10 % du chiffre d’affaires de la galerie – alors que la moitié des artistes exposés sont des photographes –, "le public français s’intéresse à cet art en tant que médium contemporain". La raison de ce succès serait économique : "Une épreuve couleur de grand format s’échange entre 12 000 et 26 000 francs ; même avec un budget limité, de jeunes amateurs peuvent s’y intéresser". Agathe Gaillard considère également que le faible prix des photographies contribue indéniablement au développement du marché. Elle demeure convaincue que "les amateurs , souvent âgés de moins de quarante-cinq ans, s’intéressent à la photographie car il s’agit d’un art abordable où il est possible de s’amuser avec de faibles moyens". Mais pour cette pionnière, le succès de la photographie passe par une reconnaissance autre que comme simple médium. Michel Durant-Dessert, lui, estime que "la photographie contemporaine est désormais reconnue comme œuvre d’art à part entière”. Yvonamor Palix partage ce point de vue. Dans sa galerie parisienne, elle a pu constater que "depuis 1991, de plus en plus d’amateurs d’art contemporain, ayant en moyenne la trentaine, lui manifestent un vif intérêt". Pierre Staudenmeyer qui, après Néotu, vient d’ouvrir la galerie Ré, considère pour sa part que "le marché de la photographie contemporaine se situe entre New York et l’Allemagne". Il observe en effet que l’apparition dans les années quatre-vingt de l’École documentaire a contribué à l’évolution du goût du public : "C’est cet aspect domestique de la photographie que recherchent désormais certains amateurs âgés d’une quarantaine d’années". Quant à Beaudoin Lebon, il remarque que "même si la photographie est dans l’air du temps, la fiscalité frappant la création contemporaine est encore trop pénalisante pour lui permettre de se développer correctement dans l’Hexagone".

De l’épreuve de lecture au vintage
Après la prise de vue, le développement du négatif : le tirage. Certains photographes tirent eux-mêmes leurs images, d’autres jamais ; ils font appel à des professionnels avec lesquels ils entretiennent une étroite relation pour la finalisation de leur travail.

Épreuve de lecture : un "brouillon", ce n’est pas un tirage définitif mais une étape intermédiaire qui guide le photographe dans son travail, pour un recadrage, pour le choix des tonalités du tirage définitif.
Vintage : tirage d’époque, contemporain de la prise de vue, effectué par le photographe ou sous son contrôle.
Tirage original : tirage pouvant être effectué longtemps après la prise de vue, mais par le photographe ou sous son contrôle.
Retirage ou "tirage moderne" : exécuté après la mort de l’artiste par le propriétaire des négatifs.
Contretype : tirage réalisé non pas à partir du négatif d’origine mais d’après une nouvelle photographie de l’image.
Limitation : certains photographes, estimant que la photographie est par définition un multiple, ne limitent pas leurs tirages ; seul le succès ou l’échec commercial d’une image définit le nombre d’exemplaires. D’autres préfèrent limiter le nombre des épreuves à 15, 25 ou 50. Dans ce cas, souvent, ils les numérotent 1/15, 2/15 etc… D’un point de vue fiscal, en France, le décret du 23 décembre 1991 définissant les œuvres d’art originales limite le nombre d’exemplaires à trente, "tous formats et supports confondus". Le tirage doit être exécuté par l’artiste, ou "sous son contrôle ou celui de ses ayants droit, et signé par l’artiste ou authentifié par lui-même ou ses ayants droit".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : Un art jeune pour le Vieux Continent

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