Trente ans de créations japonaises

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 février 2004 - 404 mots

Comme le démontre « XXIe Ciel, mode in Japan », mis en scène par Gotscho et réunissant pour la première fois les quatre principaux stylistes japonais : Issey Miyake, Rei Kawakubo de Comme des Garçons, Yohji Yamamoto et Junya Watanabe, il faudrait confier plus souvent le commissariat d’expositions aux artistes. Carte blanche a été donnée à ce plasticien pour rapprocher quatre-vingts créations nippones au sein même des très sélectives œuvres du musée des Arts asiatiques de Nice. Sa conservatrice, Marie-Pierre Foissy, nourrissait ce projet depuis sept ans et voulait démontrer l’ancrage profond de ces stylistes dans leur culture ancestrale, notamment par l’emploi de la superposition des vêtements, la couleur noire, la recherche de l’asymétrie ou la sublimation des matières les plus brutes, utilisées dès le Moyen Âge.
Si la colonne d’Issey Miyake, une référence à la Colonne sans fin de Brancusi, impressionne, la partie la plus réussie de l’exposition demeure dans l’installation de vidéos parmi les quatre pavillons dédiés aux différentes régions de l’Asie. Réalisées à partir des diapositives des défilés et rythmées par une musique électro-lounge d’Antoine Illouz, ces vidéos produisent un effet hypnotique d’autant plus que
les écrans sont recouverts d’un tissu d’organza de soie reprenant une forme fétiche à chaque créateur. Celle de Miyake est ainsi ornée du célèbre plissé qui permet aux images de véritablement prendre corps sur l’écran. Et force est de constater que les drapés de Yamamoto s’harmonisent avec une armure de guerrier japonais Daïmyô du milieu du xixe siècle, ou encore que le padding – sorte de haricot protubérant – de l’écran consacré à Comme des Garçons fait écho aux balustres de fenêtre du Cambodge du xiie siècle. À l’étage de la route de la soie se dévoile « le syndrome Cendrillon » avec de grandes robes de Yamamoto privilégiant le spectaculaire. Posées sur des tapis rouges, afin d’exhiber les détails des coutures et la richesse des doublures ou enchâssés dans des lustres, pour évoquer un arrêt sur image après le bal, elles trônent au milieu des bouddhas. Cette exposition pose en outre la question du rapport qu’entretient l’Orient avec le corps. Corps caché dans des vêtements amples et noirs, corps dépourvu d’érotisme, corps déformé, notamment dans le look Quasimodo de Comme des Garçons, corps entortillé, corps contrit... mais jusqu’où ?

« XXIe Ciel, mode in Japan », NICE (06), musée des Arts asiatiques, 405 promenade des Anglais, Arenas, tél. 04 92 29 37 00, jusqu’au 1er mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Trente ans de créations japonaises

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