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DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS / VISITE GUIDÉE

Toutes les nuances du sommeil au Musée Marmottan

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2025 - 496 mots

Entre sommeil de l’innocence, songe des récits bibliques et éros du corps endormi, le thème a fait florès dans l’art.

Paris. Neurologue et historienne des sciences, autrice de nombreuses publications, Laura Bossi est aussi commissaire d’exposition. Elle a collaboré avec son époux, l’historien de l’art Jean Clair, et a été commissaire générale de la grande exposition « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXe siècle », présentée en 2021 au Musée d’Orsay. En compagnie de Sylvie Carlier, directrice des collections du Musée Marmottan, elle aborde cette fois le thème original du sommeil dans l’art occidental, sous ses multiples aspects – religieux, mythologique, littéraire, scientifique, intime, etc. Centré sur le long XIXe siècle, le parcours, mêlant peintures, sculptures, céramiques, œuvres sur papier et photographies, s’étire cependant du Ve siècle avant notre ère à nos jours.

Résolument classique, et donc très différente de ce qu’était « Le temps d’un rêve » (2024-2025) au Musée des Confluences à Lyon, l’exposition à l’élégante scénographie sort des sentiers battus dans le choix des 130 œuvres présentées. Ainsi, renonçant aux nombreuses femmes endormies de Courbet, les commissaires ont retenu La Voyante ou La Somnambule (vers 1865) du même peintre. L’ensemble évoquant le sommeil dans l’Ancien et le Nouveau Testament est très réussi, avec ses sculptures prêtées par le Louvre et le Musée des beaux-arts de Lyon – Saint Jean endormi (1500-1515), Trois Apôtres endormis (XIVe siècle), La Dormition de la Vierge (2de moitié du XVe siècle) – mais aussi le monumental tableau La Résurrection de la fille de Jaïre (1878, [voir ill.]) de Gabriel von Max venu du Musée des beaux-arts de Montréal et La Création d’Ève (1881-1882), de George Frederic Watts, prêt de la Watts Gallery de Compton (Angleterre).

Les artistes européens du XIXe siècle sont particulièrement bien représentés avec, outre von Max et Watts, les Danois Ditlev Blunck et Michael Ancher, le Norvégien Edvard Munch, le Suisse Ferdinand Hodler, l’Anglaise Evelyn De Morgan, l’Écossais John Faed, l’Espagnol Joaquín Sorolla, l’Italien Gaetano Previati ou encore le Tchécoslovaque Maximilián Pirner. Une belle place est donnée aux estampes du symboliste allemand Max Klinger.

Quelques énigmes

Soixante-sept prêteurs, collectionneurs, galeries et musées ont répondu présent, à l’image de la National Gallery of Ireland qui a confié Le Sommeil (1790) de Goya ou le Szepmuveszeti Muzeum de Budapest qui a envoyé son énigmatique Jeune fille endormie (vers 1615-1620) dont on ne connaît pas l’auteur et qui pourrait représenter une Marie Madeleine épuisée d’avoir beaucoup pleuré… Autre énigme : que représente Midi (1923) de Felice Casorati, où l’on voit deux jeunes filles dormant sur le sol d’une maison et un garçon, de dos, lisant, tous trois nus ? Ces interrogations sont l’un des nombreux charmes d’un parcours dont le prologue, l’étrange tableau La Prisonnière des Sargasses (1991) de Paula Rego, n’illustre pas une scène du roman éponyme de Jean Rhys mais montre toute la famille de l’artiste endormie et comme victime d’un sort, soit dix personnes et un chien profondément assoupis sous la véranda d’une maison portugaise.

L’empire du sommeil,
jusqu’au 1er mars 2026, Musée Marmottan-Monet, 2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°667 du 12 décembre 2025, avec le titre suivant : Toutes les nuances du sommeil au Musée Marmottan

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