Résidences d’artistes

Montparnasse

Tous les talents butinent à La Ruche

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2009 - 509 mots

ÉVIAN

Le Palais Lumière à Évian poursuit sa politique d’expositions ambitieuses en retraçant l’histoire de La Ruche, phalanstère d’artistes parisien fondé en 1902.

L’histoire de La Ruche est une histoire contemporaine. L’exposition présentée au Palais Lumière d’Évian (Haute-Savoie) ne marque ni l’anniversaire ni la commémoration de ce lieu privilégié situé dans le 15e arrondissement de Paris. Elle célèbre l’étonnante liberté de cette « Villa Médicis du pauvre », fondée en 1902 par le sculpteur Alfred Boucher (1850-1934) et refuge actuel d’une soixantaine d’artistes contemporains, parmi lesquels Ernest Pignon-Ernest. Installée dans le pavillon des vins de Bordeaux – récupéré par Boucher peu après l’Exposition universelle de 1900 –, cette résidence offrait à l’époque, du côté de Montparnasse, une alternative structurée au joyeux capharnaüm du Bateau-Lavoir de Montmartre. Loyers abordables, ateliers déployés en cercle évoquant à juste titre l’organisation d’une ruche, ce phalanstère aux allures de cocon est encore à ce jour un terrain d’expérimentation illimité.

Parcours alvéolé
Nombre de collectionneurs privés ont été sollicités pour prêter des œuvres d’artistes à jamais associés à l’âge d’or de la Ruche : Modigliani, Zadkine, Léger, Lipchitz, Csaky, Archipenko, Chagall, Soutine, Kikoïne, Laurens…, sans oublier la renaissance d’après guerre suscitée par Paul Rebeyrolle. Depuis les travaux des premiers locataires, encore académiques, à ceux de plusieurs résidents actuels, l’ensemble des œuvres exprime avant tout l’immense souffle de liberté qui a caractérisé le siècle dernier. Les directions diffèrent, les styles y sont aussi variables que la qualité. Ou quand le délicat portrait de Kiki de Montparnasse (1924) par Kisling et le regard graphique du Piano-bar (1955) de Mouly côtoient les couleurs criardes du paysage de Maïk… À force de proximité et d’émulation, les œuvres peuvent également se faire joliment écho, à l’image de L’Animal (2006) en mosaïque de Léonard Leoni – natif de La Ruche – jouxtant le Ragondin (v. 1930) de Yutsaïtis.
En s’offrant les services de l’architecte d’intérieur Frédéric Beauclair, le Palais Lumière a souhaité s’assurer une scénographie originale. Agencé en cellules semblables à des alvéoles, le parcours ondule à travers le siècle pour le grand plaisir du visiteur. C’est dans l’accumulation de détails que le bât blesse : planches de bois aggloméré peu esthétiques, reproductions photographiques en guise de papier peint, accrochage dense sur chevalets, le tout placé sous un éclairage intense réfléchi par les différentes vitres protectrices… Le regard est vite saturé, et le visiteur y perd en contemplation ! Le parcours réserve néanmoins quelques beaux moments, comme la section consacrée à Amedeo Modigliani avec des dessins, deux superbes têtes de cariatide en bronze, et surtout, le Portrait de femme [Élisabeth Fuss-Amoré] (v. 1916), sans conteste le fleuron de l’exposition.

LA RUCHE, LA CITÉ DES ARTISTES 1902-2008, jusqu’au 10 mai, Palais Lumière, quai Albert-Bresson, 74500 Évian, tél. 04 50 83 15 90, tlj 10h30-19h sauf le lundi 14h-19h. Catalogue, éd. Alternatives, « Arts & scènes », 208 p., 35 euros, ISBN 978-2-86227595-6

LA RUCHE
Commissaires : Sylvie Buisson, historienne de l’art et ancienne conservatrice du Musée du Montparnasse (pour la partie historique), Martine Frésia, historienne de l’art (partie contemporaine)
Nombre d’œuvres : 250

Évian et son Palais Lumière

Inauguré en juin 2006 après de lourds travaux de réhabilitation, le Palais Lumière est la nouvelle fierté d’Évian. La ville savoyarde jouissant d’une aura surannée principalement due à son activité thermale et à son casino, ses élus ont fait preuve d’une volonté politique salutaire en inscrivant la culture au programme. Construit en 1902 par l’architecte parisien Ernest Brunnarius, l’ancien établissement des thermes situé au bord du lac Léman a été reconverti en un important complexe comprenant un centre de congrès (2 200 m2), un espace d’exposition temporaire sur deux étages (600 m2) et une médiathèque abritant des archives historiques (800 m2). Le succès enviable de la Fondation Pierre-Gianadda (située à Martigny, en Suisse, à une soixantaine de kilomètres d’Évian) est plus qu’une source d’inspiration pour les élus évianais. L’adjoint au maire chargé de la culture, Denis Ecuyer, a même réussi à convaincre Léonard Gianadda, le président-directeur de cette fondation habitué à faire cavalier seul. Un partenariat ponctuel mais renouvelable a été établi : l’achat d’un billet d’entrée pour l’exposition d’Évian donne droit à un billet à tarif réduit à Martigny et vice versa. Une occasion rare qui méritait d’être signalée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°299 du 20 mars 2009, avec le titre suivant : Tous les talents butinent à La Ruche

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