Thierry Kuntzel, le naturel et l’artificiel

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2005 - 367 mots

On a souvent glosé sur l’écoulement du temps et nombreux sont les artistes qui fondent leur création à partir de ce concept. Thierry Kuntzel, lui, a choisi de s’intéresser au temps que prend le temps pour s’écouler. Figure pionnière de la vidéo en France, il développe depuis une vingtaine d’années une œuvre singulière que matérialisent des installations tout à la fois hyper élaborées et d’une grande simplicité d’image. À l’instar de The Waves, une installation interactive qu’il a réalisée en 2003, faite de la projection au fond d’une pièce d’une très grande image – plan cadré sur les vagues – et d’un son dont les mouvements sont déterminés par le déplacement du spectateur dans l’espace : flux et reflux, ressac, la mer toujours recommencée, « retour du presque même », « temps impossible » dit Kuntzel. Conçue comme un hommage à Virginia Woolf, à son écriture, à son invention du temps, à sa personne, The Waves est une pièce emblématique des préoccupations de l’artiste. Accélération, ralentissement, suspens de l’image et du son, puis reprise y sont les vecteurs d’une réflexion sur la sensation physique de l’espace, de la lumière et du son.
Philosophe et sémiologue de formation, Thierry Kuntzel interroge le pourquoi et le comment de l’image en mouvement. Il fouille, décortique, met à nu ce qu’elle est à même d’instruire d’une perception du temps et de l’espace dans son rapport au spectateur. Invité à prendre possession des tout nouveaux locaux du Frac Lorraine, Kuntzel y présente quatre installations – Venises, 1995, Automne (Le Mont Analogue), 1997-2000, Automne (Éloge de l’ombre), 1998, et The Waves, 2003 – formant comme une ponctuation rétrospective, et qui permettent d’appréhender tout à la fois le questionnement et l’univers poétique de l’artiste. Le temps condensé, le temps mémorable, le temps ballotté, l’œuvre humble et subtile de Thierry Kuntzel procède d’une invitation à prendre conscience de l’éphémère et de l’impalpable. Les jeux d’apparition et de disparition, de ralenti et de précipité, de fixation et de mobilité qui structurent la plupart de ses pièces en disent long sur le paradoxe d’une œuvre qui conjugue le naturel et l’artificiel.

« Thierry Kuntzel », METZ (57), 49 Nord 6 Est, Frac Lorraine, 1 bis rue des Trinitaires, tél. 03 87 14 20 02, 23 octobre-16 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°565 du 1 janvier 2005, avec le titre suivant : Thierry Kuntzel, le naturel et l’artificiel

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