Art moderne

XXE SIÈCLE

Taslitzky, artiste et compagnon de route du PCF

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2022 - 547 mots

Il a su retranscrire les drames du XXe siècle.

Roubaix. Ainsi va la vie de Boris Taslitzky (1911-2005), l’artiste que La Piscine présente sous le titre : « L’art en prise avec son temps ». Taslitzky perd son père – engagé volontaire et tué en 1915 – à l’âge de quatre ans. Des années plus tard, il est fait prisonnier durant l’Occupation et déporté pendant neuf mois à Buchenwald. « Toute ma vie a été influencée par les guerres et ça a déterminé pour une part énorme ma vie militante et ma vie d’artiste », écrit Taslitzky. Peu nombreux, en effet, sont les artistes dont l’existence et l’art restent aussi inséparables de l’histoire du XXe siècle. Certes, aucun artiste ne peut s’extraire de son contexte historique ; cependant, ils sont plus rares à soutenir ouvertement une cause sociale ou politique.

Des musées aussi s’engagent, car cette première exposition d’envergure de Boris Taslitzky, organisée par Alice Massé, conservatrice, et Bruno Gaudichon, directeur de La Piscine, s’inscrit dans une ligne éditoriale axée sur des artistes engagés politiquement, comme André Fougeron ou Jules Adler, précédemment exposés et illustrant la « connivence entre les messages esthétiques et sociétaux ».

Dessiner l’horreur

Le parcours suit les engagements de l’artiste qui, en 1933, adhère à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, puis, en 1935, au Parti communiste français (PCF). Les grèves de 1936, les luttes contre le fascisme, la résistance et ses victimes, les emprisonnements politiques en France (Riom), la déportation à Buchenwald, Taslitzky est le témoin direct de tous ces événements. Les images dessinées dans le camp sont les plus bouleversantes. De deux manières différentes toutefois. D’une part, Le Petit Camp à Buchenwald (1945, voir ill.), de taille monumentale (300 x 500 cm), fait postérieurement d’après une maquette réalisée au camp, est une représentation terrifiante de l’horreur absolue, dans un style expressionniste. D’autre part, les dessins de ses camarades, réalisés au camp – Portrait de Julien Cain, Portrait de René Salme (1944) –, sont d’une retenue impressionnante, comme si Taslitzky cherchait à leur rendre une apparence humaine intacte, une manière pour lui de lutter contre la barbarie nazie.

À son retour en France, il devient illustrateur pour de nombreux journaux, il peint également des mineurs rencontrés pendant un reportage à Denain (Nord) (Les Délégués, 1947). À l’instar de Gustave Courbet ou d’Honoré Daumier, c’est toute la fierté de l’univers ouvrier qu’expriment ses personnages. Sensible à l’oppression de la colonisation, Taslitzky, à la demande du PCF, fait un séjour en Algérie. Les croquis qu’il en rapporte, donnent lieu à des peintures d’un romantisme exalté, à l’instar d’un Eugène Delacroix (Tremblement de terre à l’Orléansville, 1954).

On peut préférer à cette imagerie chargée, qui frôle le pathos, les travaux plus tardifs, de 1965 à 1972, de magnifiques dessins des banlieues du nord-est parisien, la « ceinture rouge » (Bobigny, 27 mai, 1970). Ces œuvres poétiques, à la fois précises et concises, ne contiennent pas une sensation de trop.

L’exposition se clôt sur une salle qui se veut un contrepoint contemporain, confié à Pierre Buraglio, un autre artiste engagé. Si le public connaît son travail comme celui d’Ernest Pignon-Ernest, la découverte sur ces cimaises est celle d’un peintre syrien, Najah Albukai (né en 1970) dont la bouleversante Ancienne Cage (2019) s’inscrit dans la tradition des « Désastres de la guerre » de Francisco de Goya.

Boris Taslitzky, l’art en prise avec son temps,
jusqu’au 29 mai, La Piscine, Musée d’art et d’industrie André-Diligent, 23, rue de l’Espérance, 59100 Roubaix.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°588 du 29 avril 2022, avec le titre suivant : Taslitzky, artiste et compagnon de route du PCF

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