Évian

Splendeurs baroques et classiques

Le Journal des Arts

Le 21 juin 2011 - 754 mots

Au Palais Lumière, sur les bords du lac Léman, les collections du prince de Liechtenstein trouvent un écrin de choix.

ÉVIAN - C’est par une galerie de portraits que l’on pénètre dans la nouvelle exposition du Palais Lumière, à Évian (Haute-Savoie), celle de la dynastie des princes de Liechtenstein, jalonnée d’amateurs éclairés qui ont, durant près de deux cent cinquante ans, alimenté une des collections parmi les plus belles d’Europe. « Splendeurs des collections du prince de Liechtenstein » expose une infime partie des trésors appartenant aux princes de ce petit État devenu paradis fiscal. Les princes de Liechtenstein, élevés à l’ombre des empereurs Habsbourg, furent des collectionneurs et des commanditaires avertis, conseillers par les plus fins esprits viennois. De Karl I (1569-1627) et son cabinet de curiosité contenant meubles précieux et de pierres dures, à Alois II (1796-1858), qui enrichit les collections d’œuvres du Biedermeyer viennois, la collection des Liechtenstein évolue, fluctue et se transforme au cours des siècles.

À regarder les œuvres réunies sur les berges du lac Léman, on devine un goût classique, témoignage du faste des cours européennes aux XVIIe et XVIIIe siècle, âge d’or du baroque et du classicisme. Au fil d’un parcours chronologique qui nous entraîne des premières heures du baroque allemand et italien aux derniers feux du Biedermeyer au XIXe siècle, 70 tableaux, 20 sculptures et 15 pièces de mobilier ont été sélectionnés par Johann Kräftner, le directeur du Liechtenstein Museum, établissement qui a rouvert à Vienne, en Autriche, en 2004. 

Mythologies et portraits
Le poids de Rubens dans la collection est indéniable avec une place prépondérante donnée au maître anversois dont 33 tableaux se trouvent encore dans l’inventaire du palais viennois. 
La première salle, dévolue aux sujets religieux du baroque, offre une magnifique Déploration du Christ de 1614-1615 où Rubens déploie ses qualités de coloriste. Le corps du Christ, oscillant entre les teintes rosées et verdâtres, occupe l’axe diagonal dans une position théâtrale chère à l’artiste. En vis-à-vis, une petite toile de Guido Reni, Saint Jean l’Évangélise lisant, offre un aperçu du pinceau tardif du peintre, transformant un sujet religieux en scène de genre. Ce préambule donne le ton de l’exposition, avec des œuvres peu connues signées des plus grands artistes de leur temps. Le visiteur est frappé par la proximité permise avec les œuvres et accrue par l’exiguïté des salles. Ce qui est souvent un point faible des expositions du Palais Lumière se révèle ici comme une chance rare de contempler des œuvres souvent mises à distance dans la muséographie actuelle.

Moins percutante, la salle dédiée aux scènes mythologiques apparaît aussi moins homogène dans la qualité des œuvres. Mars et Rhéa Silvia (1616-1617), de Rubens, est présentée aux côtés de son bozetto, esquisse entrée il y a peu dans les collections du prince. En regard, les œuvres monumentales, froides et figées de Marcantonio Franceschini détonnent, mais illustrent parfaitement un certain goût : commandes d’un prince à l’artiste, ces toiles appartiennent à un cycle décoratif pensé et voulu par le monarque. Un petit Amour à la bulle de savon (1634) évoque Rembrandt au sein du parcours, une œuvre de jeunesse où pointent déjà les effets luministes qui deviendront sa marque de fabrique.
Dans la section des portraits, la prédominance de Van Dyck, Gérard Dou et Frans Hals s’impose, grâce à des peintures d’une présence impressionnante, dont un Portrait d’homme de Frans Hals (1650), anciennement collection Rothschild, rendu par le Kunsthistorisches Museum de Vienne et acheté par le Liechtenstein Museum.

Au chapitre du mobilier, deux petits cabinets en ivoire, ébène et pierres dures du XVIIe siècle feraient presque oublier l’absence du « Cabinet Badmington », record de vente en 2004. Luxe et préciosité des pierres et de la marqueterie côtoient Le Recensement de Bethléem de Brueghel, tandis que les bustes tourmentés de Mars et Vulcain par Pierre Puget frôlent une table en pierre dure soutenue par un amoncellement de feuilles d’acanthe. La fin du parcours, moins ostentatoire, présente le classicisme autrichien et français puis le Biedermeyer viennois à travers les portraits de Friedrich von Amerling et les paysages de Ferdinand Georg Waldmüller, témoins des relations entretenues par les princes avec les artistes contemporains. Renforcée par des achats successifs depuis les années 1970, la collection des princes du Liechtenstein, bien qu’amputée de certains joyaux dans l’après-guerre (dont le Portrait de Ginevra de’ Benci de Léonard de Vinci, aujourd’hui à Washington), est le témoin d’un héritage entretenu et en évolution constante. 

SPLENDEURS…

Commissariat : Johann Kräftner, directeur du Liechtenstein Museum ; Caroline Messensee, historienne de l’art

Nombre d’œuvres : 105

Splendeurs des collections du Prince de Liechtenstein, Brueghel, Rembrandt, Rubens…

Jusqu’au 2 octobre, Palais Lumière, quai Albert-Besson, 74500 Évian, tél. 04 50 83 15 90, www.ville-evian.fr, tlj 10h30-19h sauf lundi 14h-19h. Catalogue, Ed. Gourcuff Gradenigo, 256 p., 39 euros, ISBN 978-2-35340-106-2.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Splendeurs baroques et classiques

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