Sortie du purgatoire

La peinture baroque à Marseille

Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 470 mots

Donner à voir la démarche de l’histoire de l’art avec ses incertitudes et ses détours, c’est ce que propose l’exposition-dossier organisée par le Musée des beaux-arts de Marseille autour de deux séries de toiles baroques sorties des réserves pour l’occasion.

MARSEILLE - Combien de richesses dorment encore dans les réserves des musées ? On est en droit de s’interroger en découvrant les dix toiles présentées actuellement à Marseille, dans le cadre d’une exposition-dossier consécutive à une campagne de restauration. Les œuvres se partagent en deux séries de cinq : l’une est de Giacinto Gimignani (1606-1681), actif à Rome dans le cercle de Cortone et Bernin, l’autre est anonyme. Toutes deux auraient orné l’église Sainte-Jaume, l’une des maisons des Jésuites dans la cité phocéenne, avant la dissolution de l’ordre en 1763.

Quatre des tableaux de Gimignani ont été saisis comme biens ecclésiastiques en 1794 ; quant au cinquième, la Communion de la Vierge, à l’iconographie plutôt rare, il n’a été découvert qu’en 1988 dans un dépôt des Monuments Historiques. Sur l’histoire de cet ensemble et faute de documents, les historiens en sont réduits à formuler des hypothèses. Comment était-il présenté ? Pourquoi a-t-il été démembré ? Comment la Communion de la Vierge a-t-elle abouti dans ce dépôt ? Autant de questions qui demeurent en suspens.

Entre-temps, une remarquable suite de cinq tableaux anonymes passée en vente publique à Monaco, en 1984, avait été préemptée pour le compte du musée. Anonyme mais pas anodine, car les peintures, également venues de Sainte-Jaume et exécutées dans les années 1640, sont de belle facture. Vues di sotto in su, ces scènes, qui ne sont pas sans évoquer l’art d’un Simon Vouet, composaient peut-être un décor plafonnant. Les noms de deux frères de l’Ordre, Antoine Viry et Nicolas Labbé, ont été avancés, mais, une fois de plus, la prudence est de mise, car les toiles pourraient avoir été commandées à un artiste de passage ou à l’un des nombreux peintres actifs à Marseille et en Provence. À moins qu’elles n’aient tout simplement été achetées déjà réalisées. Le mérite de cette exposition est de poser les questions qui sont la trame de toute recherche en histoire de l’art. Elle réserve par ailleurs une section à la restauration des tableaux, qui souffraient notamment de nombreux repeints, en expliquant les protocoles et en justifiant les choix effectués.

Hélas, il faudra peut-être attendre une future extension du musée pour que ces peintures, si importantes pour l’histoire locale, trouvent définitivement leur place sur les cimaises. Toutefois, la présentation de tableaux tirés des réserves devrait se poursuivre l’an prochain à raison d’un par mois.

SUITE BAROQUE : TABLEAUX POUR L’ÉGLISE DES JÉSUITES DE MARSEILLE. ESSAIS D’IDENTIFICATION

Jusqu’au 31 janvier, Musée des beaux-arts, Palais Longchamp, 13004 Marseille, tél. 04 91 14 59 30, tlj sauf lundi 10h-17h. Catalogue, 88 p. ill. coul., 120 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : Sortie du purgatoire

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