Signac, un point c’est tout

Une rétrospective inégale au Grand Palais

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2001 - 734 mots

Paul Signac a trouvé dans le Néo-impressionnisme les réponses à ses exigences scientifiques, le cercle chromatique et ses aspirations philosophiques, le principe de l’harmonie. Après Seurat en 1991, le Grand Palais rend hommage à cette autre figure importante du pointillisme. De la rigueur des premières compositions à une simplification systématique de ses sujets – d’éternels paysages, des marines et quelques intérieurs bourgeois –, le parcours se révèle inégal : les œuvres de la fin de sa carrière ne justifient pas toujours le choix de la rétrospective.

PARIS - “Le peu de succès de nos tableaux s’explique très bien : quel plaisir des gens qui n’ont pas d’œil peuvent-ils y trouver, puisque nous cherchons simplement de belles lignes et de belles couleurs, sans souci de mode, d’anecdote ou de littérature ! C’est du reste le sort réservé à tous les peintres vraiment peintres”, écrit Signac dans son journal en 1894, déplorant le peu d’importance attribuée par la critique au Néo-impressionnisme. Avant d’adopter définitivement cette technique, Signac s’est essayé à divers styles, tour à tour influencé par Caillebotte, Monet, Cézanne ou Van Gogh. En témoignent des œuvres comme Le Bas rouge (1883) ou Nature morte. Livre, orange (1885), présentées en guise d’introduction. Impressionné par Seurat, et par la théorie De la loi du contraste simultané des couleurs, développée par Chevreul en 1839, Signac adopte la méthode pointilliste. Sur fond de panneaux mauves et blancs, ses premières marines se renvoient la lumière. À l’image de Collioure. La plage de la ville (été 1887), les couches initiales sont systématiquement recouvertes de touches plus petites tandis que les plus forts contrastes de couleurs – notamment ceux de l’orange et du bleu dont l’artiste était féru – sont atténués par du blanc et des points de couleurs pâles. Le long du parcours, le visiteur retrouve La Baie de Cassis. Cap Canaille (1889), Saint-Tropez. L’orage (1895) et Voiles et Pins (1896), déjà exposées lors de “Méditerranée”, la précédente manifestation du Grand Palais (voir JdA n° 112, 6 octobre 2000). Parmi tous les paysages raffinés se distinguent les trois tableaux réalisés à Concarneau en 1891. Les bateaux de pêche y sont répartis comme des “notes de musique sur une partition”, expliquait Signac. Il leur a ainsi donné des titres musicaux : Larghetto ; Allegro maestoso ; Adagio, en supprimant les titres descriptifs lors de l’exposition des XX en 1892, à Bruxelles. Cette même année, il se replie dans le midi, à Saint-Tropez, où il développe une technique plus libre, appliquant sa couleur en groupes séparés, comme dans une mosaïque.

Une simplification systématique
Il rejette alors la notion de pointillisme, lui préférant celle de divisionnisme et met en avant les aspects décoratifs de son art : le style est plus unifié, les combinaisons de couleurs plus simples et plus arbitraires. “La simplification des éléments vous amène à plus de couleur”, explique-t-il, réduisant parfois le sujet à Deux Cyprès (1893). Présentée avec ses études et esquisses préparatoires, Au Temps d’harmonie (1893-1895), vaste composition célébrant l’espoir d’une société meilleure, est une référence évidente à Un dimanche à la Grande Jatte. Au Salon de la Libre Esthétique (1896), Signac avait d’ailleurs demandé qu’elle soit accrochée à l’emplacement où l’œuvre de Seurat avait fait sensation huit ans plus tôt. C’est aussi à cette époque qu’il s’essaye à l’aquarelle, avec laquelle il “enregistre les éléments de beauté, les images de vie qui défilent”. Le Grand Palais donne à voir un large panel de cette création fluide qui, dorénavant, domine sa production. Au tournant du siècle, l’œuvre de Signac semble se figer. Imperméables aux différents mouvements artistiques qui ont émergé au début du XXe siècle, les peintures et aquarelles puisent inlassablement dans le répertoire simple de ses sujets favoris : des scènes de ports et berges de fleuves, à Venise,  Asnières, Saint-Tropez... Le traitement même des sujets varie très peu. L’exposition s’essouffle et s’achève sur ces visions intemporelles d’un peintre dont “on pourrait dire à certains égards qu’à la fin de sa vie son art est revenu à son point de départ, en retrouvant, par le moyen de la couleur, un peu de la simplicité, de la vitalité et de la franchise qui l’avaient attiré initialement vers la peinture”, explique John Leighton, un des commissaires de l’exposition.

- SIGNAC 1863-1935, jusqu’au 28 mai, Galeries nationales du Grand Palais, 3 avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris, tél. 01 40 13 48 49, tlj sauf mardi, 10h-20h, catalogue RMN, 367 p., 220 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : Signac, un point c’est tout

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