Signac annonce la couleur

La peinture européenne de 1895 à 1910 à Grenoble

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 575 mots

Tant par ses œuvres que par ses écrits, Paul Signac a joué un rôle moteur dans l’avènement de la couleur dans l’art européen du début du siècle, du Fauvisme à l’Expressionnisme allemand, du Futurisme à l’Orphisme. Le Musée de Grenoble tente de redonner sa juste place à un artiste peu exposé.

GRENOBLE - Paul Signac est, assez curieusement, un artiste qui a peu les faveurs des commissaires d’expositions. Son œuvre a rarement été montrée dans son ensemble, et tout juste peut-on signaler quelques événements anciens, au Petit Palais en 1936, au Musée d’art moderne de Paris en 1951, à Londres en 1954, ou au Louvre en 1963-1964. Aussi, même si elle réunit vingt et une peintures et dix-neuf œuvres graphiques de l’artiste, le Musée de Grenoble n’accueille pas une exposition "Signac", mais une analyse de l’influence du Pointillisme et des théories du peintre français sur le développement de la couleur pure dans la peinture du début du siècle, de Matisse à Mondrian. Tel est en tout cas le propos du concepteur allemand de l’exposition, Erich Franz, directeur-adjoint au Westfälisches Landes­museum de Münster, qui a rassemblé près de cent vingt œuvres de trente-quatre artistes.

Influencé par son aîné Georges Seurat, Signac adopte le divisionnisme, technique picturale consistant à juxtaposer sur la toile des petites touches de couleurs pures à la manière d’une mosaïque. S’appuyant notamment sur les théories de Chevreul, ce procédé se base sur un phénomène rétinien de recomposition des harmonies chromatiques à partir des différentes couleurs juxtaposées. Après la mort à 31 ans de Seurat, en 1891, Signac cesse sa période expérimentale et, à partir de 1895, se lance dans une "libération de la couleur", alors que, peu à peu, la règle de la division devient elle-même moins stricte. À l’été 1904, Signac ac­cueille à Saint-Tropez le jeune Matisse, qui y commence son célèbre tableau Luxe, calme et volupté, que l’artiste néo-impressionniste achètera d’ailleurs en 1905. Signac a joué un rôle essentiel dans le développement du Fauvisme, qui joue sur une grande intensité des couleurs. Cette influence est également sensible dans l’œuvre de peintres tels qu’Henri-Edmond Cross, André Derain ou Robert Delaunay, dont trois peintures sont exposées ici.

Parallèlement à ses œuvres, montrées d’ailleurs en Allemagne par la galerie Keller et Reiner à Berlin, en 1898, Signac publie en 1899 "D’Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme", qui fut rapidement traduit en allemand pour une version éditée à Krefeld en 1903. L’artiste y défend le Néo-impressionnisme en précisant, d’une part, que cette technique apporte une plus grande luminosité des couleurs et, d’autre part, que "l’artiste néo-impressionniste divise mais ne pointillonne pas". Pourtant, avant même les expositions du peintre français en Allemagne et la parution de son livre, Alexeï Jawlenski utilisait déjà la technique des petites touches de couleurs vives, tandis que Kandinsky était également proche, lui, du divisionnisme. La galerie Arnold de Dresde a exposé dès 1902 les néo-impressionnistes et Van Gogh, ce qui ne fut pas sans influence à l’époque sur les travaux des jeunes artistes du groupe Die Brücke. L’exposition de Grenoble présente également des œuvres de Piet Mondrian, Gia­como Balla, Gino Seve­rini et Gustav Klimt, dont la structure s’appuie sur un ensemble de touches chromatiques et qui offrent un rôle central à la couleur.

SIGNAC ET LA LIBÉRATION DE LA COULEUR, DE MATISSE A MONDRIAN, du 9 mars au 25 mai, Musée de Grenoble, 5 place Lavalette, 38000 Grenoble, tél. 04 76 63 44 44, tlj sauf mardi 11h-19h, mercredi 11h-22h. Catalogue 400 p.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Signac annonce la couleur

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