Quatre questions à Sarah Morris

Sarah Morris - La peinture, exercice pervers

Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 640 mots

Née en 1967 en Grande-Bretagne de parents américains, Sarah Morris vit et travaille à Londres et à New York. Elle présente actuellement « RumJungle » chez White Cube2, à Londres.

Où avez-vous puisé l’inspiration de ces derniers travaux ?
Cette exposition s’inspire entièrement des hôtels de Las Vegas qui incorporent la publicité à la façade des bâtiments. Ainsi, contrairement à New York où la publicité est modelée sur la ville, elle fait partie à Las Vegas de l’architecture. Ces incroyables signes électroniques montés sur les édifices ne fonctionnent pas comme des panneaux publicitaires en tant que tels. Ils ne vantent pas le whisky Suntory ou Marlboro, mais font la promotion de l’hôtel lui-même : ce sont des appâts pour vous attirer à l’intérieur. Tous les tours sont bons pour utiliser l’architecture de cette façon extrêmement persuasive, telle qu’éclairer un bâtiment comme le MGM Grand avec des halogènes dignes de l’aéroport JFK, un éclairage qui demande quarante-cinq minutes pour s’allumer. Tout est très bien orchestré, rien n’est laissé au hasard et il n’y a rien de désordonné. J’ai voulu regarder ces stratégies de plus près, non seulement comme des thèmes, mais aussi comme des questions de distraction, désordre et exaltation, comme des stratégies de mon art.

Est-ce que le produit artistique final est aussi distillé, abstrait que celui de la série Midtown ?
Il y a un plus haut niveau de réduction et encore plus de déformation. Les nouvelles peintures sont doubles : la première série représente les structures des hôtels de Las Vegas ; l’autre, Neons, s’inspire de ces publicités, des panneaux électroniques n’existant que pour faire leur propre promotion, sans aucune référence au réel. Ils sont complètement hermétiques et naturellement, il existe des parallèles avec la peinture abstraite. J’utilise donc ce langage en essayant de jouer avec cette idée de distraction en tant que stratégie, et non pas comme un environnement chaotique ou un manque d’idées.

Vous avez également réalisé un nouveau film sur Las Vegas intitulé AM/PM.
C’est le nom de cette épicerie ouverte 24h sur 24. Nous avons tourné le film en utilisant deux points de vue, à partir d’une voiture en marche et d’un hélicoptère. Mon premier film sérieux date de 1998. J’ai toujours tourné des films, même si je ne les ai jamais vraiment montés. Pour moi, on retrouve fondamentalement dans le film cette idée d’enfermer le spectateur dans ce genre de monde. La photographie joue aussi toujours un rôle dans mon œuvre. Je ne prends pas une photo pour ensuite la distiller, la réduire et en faire une peinture. Ce n’est pas aussi simple : mon travail ne se base pas à ce point sur la photo. En fait, j’archive des choses tout le temps, pour la couleur, les angles. Mais ensuite, lorsque je peins, le point de départ n’est pas du tout linéaire.

Pourquoi ressentez-vous le besoin de passer par le processus physique de la peinture plutôt que, par exemple, de créer des images digitales ?
Essayer de générer ce genre d’images contemporaines, qui sont une réduction de plusieurs perspectives, est à mon avis un défi. D’un point de vue physique, seule la peinture me vient à l’esprit, sans vraiment savoir pourquoi. Lorsque j’ai commencé à travailler à New York, au début des années quatre-vingt-dix, j’étais sans nul doute la seule à peindre, hormis John Currin. Cet exercice était “pervers” pour moi car je n’ai jamais suivi de formation artistique. Et pourtant, j’ai aimé ce défi d’essayer d’entraîner le spectateur dans ce tourbillon en créant des œuvres plates, même si je les conçois clairement comme des objets très physiques. Les peintures de texte portaient également sur le sujet du volume et du bruit et visaient à faire monter l’adrénaline du spectateur. Cependant, toutes mes œuvres précédentes se basaient sur les médias eux-mêmes et sur les journaux, notamment The New York Times et le New York Post.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Sarah Morris - La peinture, exercice pervers

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