Art moderne

Sarah Bernhardt, une vie d’artiste

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 25 avril 2023 - 910 mots

Sa vie est un roman trépidant. La comédienne de théâtre et muse fut aussi une peintre, sculptrice et femme de goût qui côtoya les plus grands artistes de son temps, comme le rappelle aujourd’hui le Petit Palais.

« Avant ma mort, je suis entrée dans la légende », disait Sarah Bernhardt (1844-1923). Cent ans après sa disparition, elle fascine encore par sa grande liberté, ses audaces et ses excentricités. La Divine ne fut toutefois pas qu’une grande comédienne et femme de théâtre à la notoriété internationale, ou une actrice qui inspira les plus grands artistes de son temps, de Georges Clairin à Louise Abbéma, Alfons Mucha ou les Nadar père et fils. Elle fut tout au long de son existence une sculptrice, une peintre et une mécène pour tous les arts. Elle fut aussi une star du cinéma muet, célébrée des deux côtés de l’Atlantique, une ambassadrice de la mode et une autrice à succès de récits sur sa vie. Autant de pans d’une existence que l’exposition du Petit Palais remet en lumière, en faisant également la part belle à la femme libre, dreyfusarde et militante contre la peine de mort.

Peintre et sculptrice

Son intérêt pour les beaux-arts, Sarah Bernhardt l’exprime dès son entrée au conservatoire, alors qu’elle n’a que 16 ans. Ses premiers succès à l’Odéon lui permettent de nouer des amitiés, parfois amoureuses, avec des artistes. « Alfred Stevens lui apprit ainsi à peindre, tandis que Mathieu-Meusnier et Jules Franceschi lui enseignèrent la sculpture. Ce serait lors de séances de pose avec Mathieu-Meusnier, en 1869, que la jeune femme aurait eu envie de modeler à son tour, souligne Cécilie Champy-Vinas, co-commissaire de l’exposition du Petit Palais. D’autres amis artistes, notamment Georges Clairin, Louise Abbéma et Gustave Doré l’encouragèrent à cultiver ses talents artistiques. Le rôle de ce dernier, qui fut l’un de ses amants, s’avéra sans doute décisif : le peintre, alors très célèbre comme illustrateur, se mit en effet à la sculpture peu après le début de sa liaison avec l’actrice, et les deux artistes, encore néophytes, durent se soutenir et se conseiller mutuellement. »

Sarah Bernhardt fut cependant bien meilleure sculptrice que peintre. Portraits sculptés de ses proches et amis artistes, autoportraits, reliefs, bestiaires ou groupes démontrent une grande technique et des œuvres empreintes de symbolisme. À ces créations exposées dans différents salons ou galeries de l’époque, en France et à l’étranger, s’ajoutent des commandes, ainsi que « la propre promotion de Sarah Bernhardt », précise Stéphanie Cantarutti, également commissaire de l’exposition. « La comédienne profite de ses tournées à l’international pour les présenter dans les halls des théâtres où elle se produit et ainsi les diffuser. »

Le salon-atelier de ses demeures successives, où elle aime recevoir, servent tout autant à leur exposition qu’à celle des œuvres de ses amis artistes. Des demeures qu’elle habite ou fait construire et décore. Draperies, tentures, mobilier commandés aux maisons les plus prestigieuses de l’époque, objets décoratifs, œuvres de ses contemporains ou art de l’Extrême-Orient forment un décor exubérant, raffiné et luxueux, dans lequel elle exprime ses goûts, notamment pour l’Art nouveau. Courant artistique qui, comme le symbolisme, l’amène à renouveler sa sculpture. Lors de ses séjours dans sa propriété à la Pointe des Poulains, à Belle-Île, elle collecte ainsi sur la plage des algues et des poissons qu’elle fait mouler et couler en bronze pour les transformer en presse-papiers ou en fontaine à eau. De l’énergie pour mener tout de front, c’est peu dire que Sarah Bernhardt n’en manqua pas !

Félix Nadar, "Sarah Bernhardt drapée de blanc"

Sarah Bernhardt a été photographiée par Nadar père et fils, Eugène Disdéri, Étienne Carjat et par bien d’autres photographes de son époque. Cette prolifération de portraits largement diffusés a participé à entretenir le mythe. Celui que Félix Nadar réalise en 1859 compte parmi les plus célèbres. La photo, qui la montre drapée dans une toile claire, les épaules légèrement dénudée avec, à l’arrière, un fond neutre, souligne la beauté de la jeune fille de 15 ans qui est alors une inconnue. Suite à son refus de se marier, sa mère, sur les conseils d’un ami, a décidé de lui faire faire du théâtre. Rien de tel qu’un portrait réalisé par un des photographes les plus en vue de la capitale pour promouvoir sa beauté.

Georges Clairin, "Portrait de Sarah Bernhardt"

Sarah Bernhardt a conservé ce célèbre tableau de George Clairin toute sa vie. Le peintre la montre dans son salon-atelier, vêtue d’une robe d’intérieur destinée à recevoir ses proches, le regard fixé intensément sur le spectateur. La pose voluptueuse s’accorde au décor de l’hôtel particulier qu’elle a fait construire un an plus tôt et conçu dans l’esprit d’un Orient médiéval plein de fantaisie. Depuis un an, Clairin fait partie des proches de la comédienne ; il le restera jusqu’à sa disparition, à l’instar de Louise Abbéma. Exposé au Salon de 1876, ce portrait fut très remarqué, comme celui de Louise Abbéma et la sculpture de Sarah Bernhardt, Après la tempête.

Sarah Bernhardt, "Le Fou et la Mort"

Cette sculpture fait partie des débuts de l’œuvre sculpturale de l’artiste. Elle met en scène un personnage grimaçant, méditant, un crâne entre les mains. Peut-être s’agit-il du crâne offert par Victor Hugo à la comédienne après son triomphe la même année dans Hernani. Le crâne est un leitmotiv qui revient fréquemment dans l’œuvre sculptée ou peinte de Sarah Bernhard, qui trouva dans le symbolisme un courant artistique qui résonnait parfaitement avec son tempérament fantasque et sa fascination pour le macabre.

« Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star »,
jusqu’au 27 août 2023, Petit Palais | Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, avenue Winston-Churchill, Paris-8e. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Tarifs : 15 et 13 €. Commissaires : Annick Lemoine, Stéphanie Cantarutti et Cécilie Champy-Vinas. www.petitpalais.paris.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°764 du 1 mai 2023, avec le titre suivant : Sarah Bernhardt, une vie d’artiste

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