Rentrée prometteuse à la Frick

Le Louvre envoie Les Bergers d’Arcadie de Poussin à New York

Le Journal des Arts

Le 10 octobre 1997 - 633 mots

Samuel Sachs et Edgar Munhall, le directeur et le conservateur de la Frick Collection, peuvent se targuer de démarrer la saison en beauté. Tandis que les collections permanentes prennent place dans des galeries récemment rénovées, le calendrier d’automne s’annonce particulièrement riche en événements variés. Le musée bénéficie notamment d’un prêt du Louvre : Les bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin.

NEW YORK (de notre correspondant). Depuis l’automne, la Frick Collection se dévoile sous un jour différent. Un nouvel éclat qu’elle doit à un système d’éclairage haut de gamme mis au point par la société anglaise Bickerdike-Allen Brothers, spécialement “calculé pour chaque objet”, fait remarquer Edgar Munhall. Mais c’est surtout du côté des expositions temporaires que le musée crée l’événement. Trois rendez-vous ont ponctué la rentrée.

Franklinomania
Tout d’abord, la confrontation de deux portraits français du XVIIIe siècle prêtés par l’American Philosophical Society de Phila­delphie et présentant deux grandes figures du libéralisme des Lumières : Condorcet, par Jean-Antoine Houdon, et Benjamin Franklin par Jean-Baptiste Greuze. Le buste de Condorcet est sans doute la plus belle sculpture de Houdon dans les collections américaines, d’autant qu’il a été préservé des nettoyages trop agressifs prônés par les méthodes de conservation actuelles. William Short, alors secrétaire de Thomas Jefferson, en a fait don à la Société Philosophique en 1830. Cette sculpture témoigne de l’admiration de la société américaine pour un homme qui a fait de la liberté le combat d’une vie. La toile de Greuze reflète, elle, la “Franklinomania” qui a enflammé la société parisienne lors de la visite du philosophe-inventeur-homme politique en France. Il est intéressant de la comparer avec le portrait de Franklin réalisé par Joseph Duplessis en 1778, actuellement conservé à au Metropolitan. Chez Duplessis, le modèle est pensif, doucement modelé, avec un travail de brosse caractéristique. Greuze a préféré une peinture plus sèche ; toutefois l’expression est alerte et vive, marquée par des lèvres minces affectant un sourire en coin. Parallèlement à cette exposition “miniature”, une sélection de dix-huit pièces – quatorze toiles et quatre marbres de Rodin – de la collection de la baronne Carmen Thyssen-Bornemisza est présentée dans le patio. Les toiles ont pour point commun leurs “surfaces picturales peintes librement et légèrement”, censées révéler la sensibilité de l’artiste à la magie d’un lieu, déclare Tomàs Llorens, conservateur en chef du Musée Thyssen-Bornemisza à Madrid. En fait, il est bien difficile de faire le lien entre des toiles aussi différentes que celles de Constable, Caspar David Friedrich, Sisley, Gauguin, Monet et Van Gogh. Ce prêt est en tout cas l’occasion de réunir et comparer deux Constable sur les six que comprend sa série de scènes de la Stour Valley : Cheval blanc  (1819), conservé à la Frick Collection, et L’Écluse (1824), appartenant à la collection de la baronne. Mais le clou du programme reste l’exposition à la Frick de l’un des chefs-d’œuvre de Nicolas Poussin : la version du Louvre des Bergers d’Arcadie. Ce tableau a été prêté en échange de L’Éducation de la Vierge de Georges de La Tour, qui  figure dans la rétrospective du peintre présentée au Grand Palais. Un échange consenti par le Louvre et dont l’explication est à trouver dans l’amitié liant depuis plus de quarante ans Edgar Munhall et Pierre Rosenberg. “Pierre m’a demandé ce que j’aimerais pour la Frick Collection en échange du La Tour, raconte Munhall, et quand je lui ai annoncé mon choix, sa première réaction a été Vous en demandez beaucoup !, mais nous l’avons eu !”.

FRANKLIN ET CONDORCET, DEUX PORTRAITS DE L’AMERICAN PHILOSOPHICAL SOCIETY, jusqu’au 16 novembre ; SÉLECTION DE LA COLLECTION CARMEN THYSSEN-BORNEMISZA, jusqu’au 30 novembre ; DU LOUVRE À LA FRICK COLLECTION : POUSSIN, "LES BERGERS D’ARCADIE", jusqu’au 25 janvier. Frick Collection, 1 East 70th Street, New York, tél. 212 288 0700, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, dimanche 13h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°45 du 10 octobre 1997, avec le titre suivant : Rentrée prometteuse à la Frick

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