Bâle

Renoir, les jeunes années

À Bâle, le Kunstmuseum met en lumière les œuvres de jeunesse du peintre, entre 1864 et 1880.

Par Chloé Da Fonseca · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 689 mots

BÂLE - «”¯Je commence à savoir peindre. Il m’a fallu plus de cinquante ans de travail pour arriver à ce résultat, bien incomplet encore”¯», disait Renoir (1841-1919) en 1913. Pour la première fois, une exposition au Kunstmuseum de Bâle s’intéresse précisément aux débuts du peintre, lorsque, sortant de l’École des beaux-arts de Paris en 1864, il développe sa personnalité artistique.

Imprégné des innovations révolutionnaires de Gustave Courbet et de l’école de Barbizon, le jeune Renoir fut aussi profondément marqué esthétiquement par ses amitiés avec Édouard Manet et Claude Monet. Alors que ses tableaux postérieurs à 1880 le réduisent souvent au cliché de « peintre du bonheur », on découvre au Kunstmuseum un artiste plus complexe, tiraillé entre la bohème impressionniste et l’univers bourgeois du Salon.
Le parcours débute avec les œuvres de jeunesse de Renoir en 1864 et s’achève juste avant 1880. Très attaché au Salon annuel, lieu de reconnaissance par ses pairs, il présente régulièrement des œuvres au jury entre 1864 et 1870 ; en 1878, il est de nouveau accepté au Salon après huit ans de refus et, en 1879, il ne participe pas à la quatrième exposition impressionniste. L’artiste explore alors un nouveau chapitre artistique et se fait plus volontiers l’héritier de la Renaissance italienne et du XVIIIe siècle français.

Dans les années 1860, conservant les traces académiques apprises dans l’atelier de Charles Gleyre, les portraits du jeune Renoir portent la marque de la forte influence de Manet, tandis que ses paysages (Une clairière dans les bois, 1865) sont empreints de l’ascendant de Courbet. Nature morte au bouquet (1871) est un véritable hommage à Manet : il reproduit le bouquet de l’Olympia et l’eau-forte que Manet avait réalisés d’après Vélasquez ; l’éventail japonisant fait écho au Portrait de Zola. Les débuts de Renoir sont variés et surprenants. Passant d’un style à un autre, hésitant peut-être, le peintre affine sa personnalité artistique dans les années 1870.

L’impressionnisme, et après ?
En 1874, Renoir, Monet, Alfred Sisley et d’autres organisent la première exposition impressionniste. À cette époque, Renoir et Monet peignent régulièrement ensemble et plusieurs de leurs œuvres sont similaires dans leur composition (voir La Seine à Argenteuil, 1874). Les paysages de Renoir aux compositions fugitives et touches brossées à la limite de l’abstraction (Femme avec un parasol au jardin, 1875-1876 ; Allée dans les bois, 1875) résultent de cette émulation artistique avec Monet. Pourtant, se décrivant lui-même comme « peintre de figures », Renoir a toujours été plus séduit par le portrait et le nu féminin que par le paysage, privilégié quant à lui par Sisley et Monet. En témoigne la grande quantité de visages que l’on croise au Kunstmuseum ; parmi ceux-ci, Lise Tréhot est une personnalité importante des jeunes années de Renoir. Modèle favori du peintre, Lise revêt divers rôles – bourgeoise, bohémienne ou nymphe – pour apparaître sur sept tableaux de l’exposition. Muse de Renoir, elle est aussi sa maîtresse de 1865 à 1872 mais l’artiste cacha toujours son existence.

« Continuer dans la tradition »
En 1909, Renoir ne craignait pas d’affirmer : « Je ne me suis jamais vu comme un peintre révolutionnaire ; je voulais juste […] continuer dans la tradition du Louvre. » Alors même qu’il était au cœur du mouvement de la modernité, exposant souvent au Salon des refusés, Renoir a toujours cherché à être reconnu par les institutions officielles. Tout au long de sa vie, l’artiste parcourt les galeries du musée du Louvre où il admire les sculptures antiques et les maîtres anciens. Certaines œuvres à l’atmosphère éthérée, telles que La Pensée (1876-77) ou Après le bain (1876), rappellent Watteau, Fragonard et Boucher. Le Kunstmuseum expose un seul exemple de toile proposée par Renoir au Salon et rejetée par le jury. Cavaliers au bois de Boulogne (1873) est d’un académisme marqué, très loin des chemins de l’avant-garde qu’il commençait à prendre. Car, déterminé, le jeune Renoir tente de se faire une place dans un contexte artistique plus large que l’impressionnisme dont il est l’une des plus éminentes figures.

Renoir. Entre bohème et bourgeoisie : les jeunes années

Jusqu’au 12 août, Kunstmuseum de Bâle, St.Alban-Graben 16, Bâle, tél. 41612066262, www.kunstmuseumbasel.ch, tlj sauf lundi, 10h-18h. Catalogue (en anglais ou en allemand), éd. Hatje Cantz, 301 p., env. 48 €, ISBN 978-3-7204-0210-9 (ang.)

Renoir
- Commissariat : Nina Zimmer
- Nombre d’œuvres : 50

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : Renoir, les jeunes années

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque