Art moderne

Regards féminins sur l’ailleurs

Palais Lumière, Évian (74) – Jusqu’au 21 mai 2023

Par Ingrid Dubach-Lemainque, correspondante en Suisse · L'ŒIL

Le 21 février 2023 - 337 mots

Découvertes -  Ce que donne à voir l’exposition du Palais Lumière d’Évian, qui sera par la suite présentée au Musée de Pont-Aven (du 24 juin au 5 novembre 2023), ce sont les prémisses d’une émancipation artistique féminine : une quarantaine d’artistes francophones passées sur les rangs de l’Académie d’art de Bruxelles ou de l’École des beaux-arts de Paris, parmi les premières à avoir accès à deux luxes, l’éducation artistique et les voyages, sont ici sorties de l’ombre.

Leurs noms ne vous diront probablement pas grand-chose, ni leurs œuvres, pour la plupart restées dans des mains privées. Leurs parcours, tous différents, tous passionnants, racontent la force et la détermination qu’elles ont eues pour s’imposer comme véritables « artistes » et leur curiosité sans faille pour l’« ailleurs » et l’« autre ». Ainsi se déroule le fil d’une exposition, qui mène d’un Orient adulé à l’Indochine en passant par les terres intérieures africaines. On y découvre les toiles de Marie-Aimée Lucas-Robinet, installée en Afrique du Nord qui, faisant fi des sujets orientalistes à la mode, peint d’une touche lumineuse le quotidien des populations locales, ou encore les hiératiques bustes sculptés de la Belge Jane Tercafs, partie partager le quotidien de la tribu Mangbetu au Congo entre 1935 et 1940. On s’émerveille encore devant l’œuvre prolixe d’Alix Aymé (peintures sur toile et sur soie, pastels, gravures) qui raconte, par le portrait, la scène de genre ou la nature morte, avec sensibilité et sans mièvrerie, l’Indochine d’avant l’indépendance. Sans oublier le parcours de Léa Lafugie, portraitiste de Gandhi, des princes et des maharadjas indiens, qui passa trente ans de sa vie en Asie. Pas de côté, mais non moins plaisant, l’exposition met également en lumière le fonds de photographies encore mal étudié de l’aventurière Alexandra David-Néel, photographe autodidacte, ne visant pas au talent artistique, mais qui laissa pour la postérité des témoignages d’une valeur incomparable sur le Tibet des années 1914-1915. Car ces artistes-voyageuses, en prenant peu à peu distance avec un certain exotisme dans la représentation de l’ailleurs, se sont faites par la même occasion ethnographes.

« Artistes-voyageuses, l’appel des lointains (1880-1944) »,
Palais Lumière, rue de la-Source-de-Clermont, Évian (74), ville-evian.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : Regards féminins sur l’ailleurs

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