Ramette n’est pas à la fête

L’exposition est loin d’être sans objet

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 1998 - 382 mots

L’exposition de Philippe Ramette à Tours est pour le moins surprenante : alors que la substance de son œuvre est constituée par des objets conçus pour le corps, aucun d’entre eux n’est présenté physiquement
au CCC. Une vidéo, produite pour l’occasion, et des photographies tirées de
cette dernière ne donnent malheureusement qu’une vision appauvrie de son travail.

TOURS - Depuis plusieurs années, Philippe Ramette réalise un important ensemble d’objets insolites, décalés et non dénués d’un humour discret. Réalisés souvent le plus simplement possible, ils s’adaptent au corps tantôt pour le soumettre à une attitude (Prothèse à dignité / prothèse à humilité, 1992), tantôt pour lui permettre de porter un regard renouvelé sur le monde (Objet à voir le monde en détail, 1992). La force de sa démarche réside justement dans la confrontation directe du spectateur avec ces pièces et dans la richesse de l’imaginaire qu’elles induisent.

Un film de Jean-Marc Simonet avait déjà été réalisé en 1992 avec les œuvres de l’artiste : Conver­sation avec l’air. Au CCC, ses objets mis en scène sans magie dans la première vidéo de Philippe Ramette sont portés ou utilisés par des comédiens, ou par l’artiste lui-même, dans un contexte urbain tourangeau anecdotique imposé par la production. Sa vidéo, un reportage sur son propre travail, reste au stade du documentaire et joue du stratagème de la projection sur grand écran pour tenter d’accéder tant bien que mal au statut d’œuvre. Quant aux photographies, des images figées issues de la vidéo, elles n’ont guère d’intérêt en elles-mêmes et trouveraient plus volontiers leur justification dans un contexte marchand.

La vidéo est en vogue en ce moment chez de nombreux artistes, mais elle n’est certes pas la panacée, bien au contraire. Les pièces de Philippe Ramette sont autrement plus puissantes in vivo que passées au filtre de la caméra. Même si, pour certains, son œuvre reste trop dans l’objet, dévier l’artiste de sa démarche originelle peut apparaître comme un non sens. “Le détournement des lieux et des images auquel [Philippe Ramette] se livre augure d’une ouverture et d’une orientation nouvelles dans son travail”, prévient le texte qui accompagne l’exposition. Espérons au contraire que l’artiste se libère de ses mauvais génies.

PHILIPPE RAMETTE, jusqu’au 8 mars, CCC, 53-55 rue Marcel-Tribut, 37000 Tours, tél. 02 47 66 50 00, mercredi-dimanche 15h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°51 du 3 janvier 1998, avec le titre suivant : Ramette n’est pas à la fête

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