Promenade à Alger

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 414 mots

« Alger, avec sa rade en croissant de lune, est une ville qui se regarde. Il vaut la peine d’imaginer ici des événements architecturaux : noblesse oblige ! » Ces lignes du Corbusier extraites de sa Poésie sur Alger, vain plaidoyer en faveur d’un plan d’urbanisme de mai 1942 qui ne sera jamais retenu, témoignent de la fascination exercée par la capitale algérienne sur les architectes. C’est à cette ville et à son patrimoine bâti que Jean-Louis Cohen, directeur de l’Institut français d’architecture (IFA), a décidé de consacrer la première exposition de l’IFA dans ses locaux provisoires – avant l’installation à Chaillot – qui ne sont autres que ceux de l’ancien palais des Colonies.
Alger, l’ancienne Al Djazaïr, est une ville à trois visages. Fondée à la fin du Xe siècle sur un ancien comptoir punique, elle fut une capitale de l’empire ottoman. De ce pan de son histoire ne subsiste que la Casbah, l’ancienne citadelle, dépeuplée et menacée de ruine, malgré son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais Alger, chef-lieu de département et troisième ville française par sa population en 1930, a été façonnée durablement par le colonisateur sur un site difficile de corniches et de vallées. Percée de grandes avenues entre 1830 et 1870 par des ingénieurs militaires, la ville se couvre d’immeubles « parisiens », de style haussmannien ou éclectique, avant que le goût néomauresque, avatar orientalisé de l’Art nouveau, ne s’impose sur les façades de la grande poste et de la préfecture (1906). Loin des contraintes réglementaires de la capitale, Alger devient un champ d’expérimentation et de liberté pour les architectes français et algérois, émules du Corbusier et surtout d’Auguste Perret, dont l’agence fait florès en Algérie. Le palais du gouvernement, dessiné par Jacques Guiauchain et construit par l’entreprise Perret, demeure le monument emblématique de ce passé colonial. Aujourd’hui, le Grand Alger est une capitale à la croissance frénétique, qui atteint les trois millions d’habitants.
La pression foncière et la spéculation se sont abattues sur les terres voisines du Sahel et de la Mitidja, nouvelles victimes d’un urbanisme anarchique condamné tragiquement par les catastrophes naturelles récentes.
L’exposition est une invitation à la promenade dans cette ville complexe. Les documents d’archives et les photographies réunis ne manqueront pas d’émouvoir les témoins nostalgiques de cette épopée architecturale.

« Alger, paysage urbain et architectures », PARIS, IFA, palais de la porte Dorée, 293 avenue Daumesnil, XIIe, jusqu’au 14 septembre. Exposition organisée dans le cadre de Djazaïr, une année de l’Algérie en France.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Promenade à Alger

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