Projets pour une crise paisible

Les inventions de Stéphane Bérard à Digne-les-Bains et Marseille

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 2 mai 2003 - 580 mots

Pour sa première exposition, Stéphane Bérard propose une rétrospective en deux lieux, à Digne-les-Bains et à Marseille. Écrivain, réalisateur et musicien, l’artiste cumule depuis une dizaine d’années des inventions et des actions, toutes expressions d’une œuvre modeste, mais qui n’a pas renoncé à prendre le monde par le bras.

MARSEILLE/DIGNE - Stéphane Bérard n’est certes pas “L’Homme qui tua Liberty Valence”, mais il est indéniablement “celui qui”. Car depuis une dizaine d’années, l’artiste a, en vrac, inventé La Douche moussante (2001), Le Taxi auto-école(2000), ou le Tekcopcip (2001), technique qui consiste à remplir d’argent les poches d’autrui sans que les personnes ne s’en aperçoivent. De plus, et entre autres choses, il a pensé à un klaxon continu dont l’intensité est proportionnelle à la vitesse, donc au danger (Sécurité routière, 2003), et a initié une mutuelle pour artistes, critiques et collectionneurs. Inventeur, artiste, écrivain (Le Problème martien, éditions Al Dante, 2002), réalisateur et musicien (l’album engagé Progressiste réalisé avec sa compagne Nathalie Quintane), Stéphane Bérard est un peu tout cela à la fois. À Marseille et à Digne-les-Bains, deux expositions qui empruntent la forme d’une rétrospective témoignent chacune à leur façon d’une œuvre où l’auteur est aussi acteur et le personnage, écrivain. Au Cairn, centre d’art des Alpes-de-Haute-Provence, à Digne, la ville où réside Stéphane Bérard, c’est avant tout la modestie de son action qui se signale, mais aussi la fascination pour celle-ci. Ainsi, quand Bérard tente de rentrer dans l’Histoire, il le fait par la Correspondance (1993) en usant d’une chaîne de lettres Freud/André Breton, André Breton/Jean-Jacques Lebel, Jean-Jacques Lebel/Stéphane Bérard ; ou par le sport en proposant au Gabon de le représenter aux Jeux olympiques d’hiver (Tentative de participation aux Jeux olympiques d’hiver de Nagano, Japon,  sous les couleurs de la République gabonaise, 1997). Dans le même élan, c’est naturellement qu’il restitue au Mali une statue qu’il a en sa possession (3 minutes post-cubistes, 2002). Autobiographie par l’inventaire ou fiction par les preuves, ses propositions tiennent simultanément de la performance et de l’anecdote.
S’il cultive le projet, Stéphane Bérard a toutefois réussi à en réaliser quelques-uns, au rythme d’environ un sur 20, à voir le nombre d’affiches (toutes regroupées sous forme de fiches dans Ce que je fiche, l’ouvrage édité pour l’occasion) accrochées à Marseille dans les espaces d’exposition du FRAC (Fond régional d’art contemporain). L’Arôme pénis pour préservatif (1998), Les Drapeaux ignifugés (2002), Le Tapis de prière de survie (2001) ou le Lit double superposé (2001), figurent parmi les quelques aboutissements matériels de ses recherches, mais ses affiches où s’étalent notes et projets valent autant par leur réalisme cynique et tendre. Là, Stéphane Bérard suggère un quota de SDF dans les rendus de projets architecturaux (Prochainement ici, 2002) ou un Sur-escalier en mousse (1999), toujours dans le souci de rendre la chute moins dure. Alors, si on parle toujours de la crise, Stéphane Bérard ne donne pas vraiment envie d’en sortir. Le schéma de Prêts pour la reprise économique ? (2002) donne à réfléchir : “Tous les musées ou centres d’art reconvertis en filature, fonderie, abattoirs...  toutes ces PME-PMI avec des nouveaux noms (La centrale d’art, l’usine, “La Factory”... ) hier usine, aujourd’hui musée, demain ?”

STÉPHANE BÉRARD

Jusqu’au 21 juin, FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1 place Francis-Chirat, 13002 Marseille, tlj sauf dimanche, 10h-12h30, 14h-18h, tél. 04 91 91 27 55, et jusqu’au 17 mai, Le Cairn, Centre d’art des Alpes-de-Haute-Provence, Musée-promenade Saint-Benoît, 04000 Digne-les-Bains, tél. 04 92 36 70 70, catalogue Ce que je fiche, 15 euros, ISBN 2-912450-03-9

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°170 du 2 mai 2003, avec le titre suivant : Projets pour une crise paisible

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