Focus

Poliakoff ou le règne de la couleur

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 septembre 2004 - 451 mots

À travers une rétrospective, le Musée Maillol met en exergue l’œuvre sur papier de l’artiste.

 PARIS - En marge de l’abstraction géométrique ou de l’école de Paris, Serge Poliakoff (1900-1969) a élaboré un œuvre qui se fonde sur les multiples possibilités de la couleur. La Fondation Dina Vierny propose actuellement une sélection de 150 gouaches couvrant les années 1930 à 1960. Très prolifique, sa production sur papier annonce souvent ces compositions picturales.
L’artiste d’origine russe rencontre Kandinsky et les Delaunay à Paris, en 1937. L’année suivante, après avoir travaillé dans l’atelier de Robert Delaunay, il exécute ses premières Compositions abstraites. Il renonce alors aux clichés du folklore russe qui l’inspiraient jusque-là, comme en témoignent Natasha Galitzine (1936), La Porteuse d’eau russe (1935) ou Danse tzigane (1937). En quête d’un espace non illusionniste, il anéantit l’opposition fond/forme et enchevêtre des figures colorées. Il ne travaille plus par mélange mais par superposition des couches de peinture, pour atteindre, par transparence, ce qu’il désigne comme « la vie des couleurs ». À la vue de ses débuts prometteurs, Kandinsky aurait déclaré : « Pour l’avenir, je mise sur Poliakoff. » En 1946, l’artiste participe au renouveau de l’industrie textile et réalise différents Projets pour tissus. Mais il abandonne vite, craignant de dériver vers un style trop décoratif. En réaction, il conçoit des Compositions abstraites volontairement sévères. Par la suite, il renonce aux traits qui délimitaient ses motifs et laisse à sa palette, aux tonalités pourtant réduites – en tout et pour tout deux bleus, deux rouges, un jaune et un vert –, le soin de définir l’espace. « Il lui arrive de travailler sur quatre gouaches simultanément pour trouver ce qu’il appelle “le silence absolu” que l’on pourrait définir comme une sorte de quiétude où la composition offre un état d’équilibre », explique dans le catalogue le fils de l’artiste, Alexis Poliakoff, commissaire de l’exposition. Dans les années 1950, Poliakoff privilégie les camaïeux de bleus et de verts. À la fin de sa vie, il synthétise toujours plus ses compositions, pour ne conserver que l’essentiel. Poliakoff meurt en octobre 1969. Parmi ses dernières œuvres figure cette série de gouaches de 1968, réunies pour l’occasion et subtilement présentées les unes en regard des autres. La plupart « étaient destinées à la peinture, précise Alexis Poliakoff. Elle devait annoncer un nouvel élan, une nouvelle vision qu’il n’eut pas le temps de réaliser en peinture ». Le Musée Maillol permet aujourd’hui d’en mesurer toute la force.

SERGE POLIAKOFF, LA SAISON DES GOUACHES

Jusqu’au 7 novembre, Fondation Dina Vierny – Musée Maillol, 59-61, rue de Grenelle, 75007 Paris, tél. 01 56 03 12 25, www.mu seemaillol.com, tlj sauf mardi et jours fériés 11h-18h. Catalogue, éd. Hazan, 160 p., 35 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : Poliakoff ou le règne de la couleur

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