Passions partagées

La collection Kaufmann-Schlageter passe à la postérité

Le Journal des Arts

Le 30 mai 1997 - 516 mots

L’Ancienne Douane de Strasbourg expose, en hommage aux donateurs Othon Kaufmann et François Schlageter, l’intégralité de leur collection d’art des XVIIe et XVIIIe siècles, avant la répartition définitive des œuvres entre le Louvre et le Musée des beaux-arts de Strasbourg. La confrontation de peintures italiennes et françaises de la même époque permettra d’apprécier les influences et les spécificités des deux écoles.

STRASBOURG. L’exposition "Itinéraire d’une passion" offre au public l’ultime occasion de voir, en un même lieu, les 68 œuvres rassemblées pendant près d’un demi-siècle par Kaufmann et Schlageter. Plusieurs très belles pièces se distinguent dans cette collection d’une rare cohérence. L’art italien domine, représenté par les Napolitains Luca Giordano, Francesco Solimena et Salvatore Rosa, les Vénitiens Giambattista Pitoni, Sebastiano Ricci, Francesco Guardi, Pellegrini, Tiepolo, Canaletto… et les Bolonais Donato Creti et Giuseppe Maria Crespi. Ce très bel ensemble est complété par des œuvres françaises qui illustrent assez bien les différentes phases d’attrait et de résistance envers le Baroque italien. La présence d’artistes qui ont mené une grande partie de leur carrière à Rome, tels Simon Vouet, Charles Natoire, Subleyras ou encore Hubert Robert, rappelle le rôle phare joué par la Ville éternelle en matière artistique tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Le Sueur, Bourdon, Van Loo, Boucher, Fragonard et Greuze figurent également en bonne place dans cette collection exceptionnelle, dont la richesse témoigne davantage de la passion et du goût éclairé des deux amateurs que de leur fortune.

Une collaboration fructueuse
Nés en Allemagne au début du siècle, Othon Kaufmann et François Schlageter s’intéressent très jeunes à l’art ancien, fréquentant des spécialistes aussi renommés que Pierre Francastel et Hermann Voss. Après avoir combattu le nazisme dans l’armée britannique, ils s’installent définitivement à Strasbourg, où ils commencent une collection de peintures baroques. L’entreprise d’import-export de papier que dirige Othon Kaufmann leur permet d’acheter une ou deux œuvres par an, chaque pièce servant éventuellement de monnaie d’échange pour un tableau de qualité supérieure. À partir de 1969, les deux Strasbourgeois d’adoption ouvrent leur collection à l’art français des XVIIe et XVIIIe siècles, guidés dans leurs choix par Michel Laclotte et Pierre Rosenberg. C’est grâce à l’amitié tissée avec ces conservateurs – auxquels il faut ajouter Roland Recht, directeur des Musées de Strasbourg – que Othon Kaufmann et François Schlageter se sont décidés à faire plusieurs donations, au Louvre d’abord, en 1983, puis aux Musées de Strasbourg, en 1987 et en 1994. Ces dons prouvent combien la collaboration entre collectionneurs et conservateurs peut être profitable. Jacques Thuillier souligne, à l’occasion de cette exposition, le rôle que certains amateurs éclairés ont joué dans la conservation, la transmission, la réhabilitation, voire la redécouverte d’œuvres importantes. Plaidant pour le legs public, l’historien de l’art déclare : "La fin naturelle d’une grande collection, c’est la collection publique".

ITINÉRAIRE D’UNE PASSION, du 31 mai au 31 août, Ancienne Douane, 1 rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, Strasbourg, tlj 11h-18h30, jeudi 11h-22h. tél. 03 88 52 50 00. Plein tarif : 30 F ; tarif réduit : 20 F ; gratuit pour les moins de 15 ans. Catalogue édité par les Musées de Strasbourg, 139 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : Passions partagées

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