Panorama polymorphique de la photo

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 513 mots

Les FRAC n’ont jamais délaissé la photographie, certains même, comme celui de Haute-Normandie, se sont spécialisés dans ce médium. Dès lors, il semblait évident de faire coïncider les vingt ans des Fonds régionaux d’art contemporain avec la trente-quatrième bougie que doivent souffler les Rencontres photographiques d’Arles, placées cette année sous les signes de la découverte et de la transversalité des regards. La grande manifestation prend donc sous son aile « Mimesis » et « Faits et gestes », les expositions estampillées « Trésors publics ».
« Mimesis », comme son nom l’indique, reprend à son compte l’épineuse question qui taraude
la photographie depuis sa création, l’imitation et la « vérité » de l’œil photographique. Elle espère tracer une histoire solide en trois sections pour enfin dessiller le spectateur et, pourquoi pas, le faire douter des images. La première étape est historique avec un choix de photographies anciennes réalisées en 1850 et 1860, confronté à des œuvres bien plus récentes de Patrick Faigenbaum ou Louise Lawler autour de l’idée de modèle et de simulacre. Dans les années 1970, le médium a subi lui aussi la déconstruction qui frappait tous les domaines artistiques. Avec l’explosion du domaine photographique et sa contamination rapide par d’autres champs artistiques, elle a dû traverser dans la décennie suivante le débat attisé par la question de l’art et de la photographie dite plasticienne. Après avoir brossé dans ce second volet le paysage des vicissitudes infligées aux photographes, « Mimesis » se frotte au genre évident du portrait en confrontant les œuvres d’Andres Serrano, à celles d’Orlan, Thomas Ruff, Michel Journiac et Arnulf Rainer pour ne citer qu’eux. L’exposition « Faits et gestes » devrait attirer à coup sûr les amateurs de photographie contemporaine autant que les passionnés de patrimoine architectural industriel car les ateliers SNCF, construits entre 1843 et 1856 sur un site de onze hectares, sont rarement ouverts au public.
La scénographie de l’exposition a été confiée à l’artiste français Xavier Veilhan : une longue lame de verre de soixante-dix mètres sur laquelle seront apposées les images enclenchant un jeu de reflets et de transparences propices à de riches juxtapositions. Là aussi, les choix sont rassemblés par affinités et proposent une promenade entre la scénographie du réel calculée de Jeff Wall et l’identité du sujet telle qu’elle fut transfigurée par Cindy Sherman, Sophie Calle ou Ugo Rondinone. La vision de l’intimité sexuelle de Pierre Molinier se mêle à celle plus familiale de Joël Bartolomeo, tandis que Bas Jan Ader ou William Wegman analysent la nature et le statut de l’œuvre d’art. Enfin les parodies provocatrices de Jeff Koons, Philippe Parreno et Paul McCarthy, devraient parachever ce panorama polymorphique de la photographie. Mais que l’on se rassure, les fonds sont loin d’avoir été dévalisés, la photographie est partout. Arrachée à la spécificité de son médium, elle s’est infiltrée dans toutes les expositions et c’est sûrement cela qu’il faudra retenir, la photo échappe toujours un peu plus à la photographie.

ARLES (13), « Mimesis », chapelle Sainte-Anne, 5 juillet-1er septembre ; « Faits et Gestes », ateliers SNCF, 5 juillet-15 sept.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Panorama polymorphique de la photo

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