Année de la Chine

« Paix et prospérité » règne sur Versailles

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 5 mars 2004 - 626 mots

Avec plus de 350 pièces provenant en majorité de la Cité interdite, à Pékin, Versailles consacre une grande exposition à Kangxi, empereur de Chine de 1661 à 1722 et « alter ego de Louis XIV ».

 VERSAILLES - Nommé empereur de Chine en 1661 sous le nom de « K’ang-Hi », littéralement « paix et prospérité », Kangxi consacre la première partie de son règne à consolider la domination mandchoue et à rétablir l’ordre en Asie méridionale. Il pratique ensuite une politique d’expansion sur le front de l’Asie centrale et, en 1685, se trouve à la tête de l’empire le plus vaste que la Chine ait jamais connu (lire l’encadré). Contemporain de Louis XIV, il est aujourd’hui à l’honneur au château de Versailles à l’occasion de l’Année de la Chine en France. Au total, plus de 350 objets (bronzes, armures, costumes, peintures, calligraphies, instruments scientifiques, céramiques, tapisseries et mobilier) provenant majoritairement de la Cité interdite, à Pékin, ont été réunis. Une exposition consacrée à Louis XIV sera ensuite présentée à la Cité interdite au printemps 2005. Parfois un peu trop exubérante – c’est le cas de la salle des porcelaines qui, censée évoquer un cabinet européen, ne laisse finalement rien voir des pièces trop haut perchées ! – , la scénographie souligne la rigueur de l’art chinois traditionnel et la délicatesse des objets, dans une ambiance tamisée suggérant l’intérieur d’un lieu sacré.

« Le Marc Aurèle de la Chine »
Thématique, le parcours rappelle l’intérêt que portait Kangxi aux lettres, aux arts et aux sciences. « Très tolérant, il laissa son empire ouvert aux influences bouddhiques, chrétiennes et européennes, précise dans le catalogue Pierre Arizzoli-Clementel, commissaire général de la manifestation. Pour cette raison, l’exposition s’ouvre par une évocation des fameux instruments scientifiques de l’Ancien Observatoire de Pékin, témoins jusque dans le XXe siècle du désir d’une meilleure connaissance du monde au XVIIe siècle. » Pinceaux, bâtons d’encre, pierres à encre, mais aussi rouleaux de papier doré comprenant des écritures cursives de la main même de Kangxi, témoignent de ses talents de calligraphe. Considérant que l’empereur devait être le premier lettré du pays, Kangxi s’imposa de tracer mille caractères par jour jusqu’à la fin de son règne.
Parmi les pièces d’exception figurent un paravent en laque de Coromandel illustrant la prise de l’île de Nan Ngao ou encore deux longs bandeaux de soie, délicatement peints, l’un relatant Le Voyage dans le Sud de l’empereur Kangxi, l’autre célébrant son soixantième anniversaire, et qui occupent à eux seuls une salle entière. Objets de la propagande impériale, les portraits du souverain mettent en exergue ses multiples vertus. Probablement l’un des plus anciens conservés, le Portrait de l’empereur Kangxi écrivant en costume non officiel le glorifie en tant qu’intellectuel, tandis que le Portrait de l’empereur Kangxi en costume de cour montre le faste de son règne. La peinture reproduit minutieusement les nombreux détails des célèbres « tuniques à dragons » dont Versailles présente également quelques beaux exemples taillés dans du satin, de la soie ou du velours et cousus de fils d’or. Pièce remarquable, ornée de dragons et de nuages dorés « jaune lumineux », l’armure de parade de Kangxi fait face à un cortège de huit armures des gardes des Bannières (corps fondé en 1601 et 1615) et conduit le visiteur à l’estrade du trône impérial. Une présentation des plus spectaculaires à l’image de celui que Diderot surnommait « le Marc Aurèle de la Chine par sa sagesse et son Louis XIV par le despotisme et la durée de son règne ».

KANGXI, EMPEREUR DE CHINE (1654-1722)

Jusqu’au 9 mai, Musée national du château de Versailles, place d’Armes, 78008 Versailles, tél. 01 30 83 77 43/78 00, tlj sauf lundi et j. f., 11h30-17h30. Cat., éd. RMN, 300 p., 45 euros.

Kangxi, despote éclairé

L’empereur chinois Kangxi (1654-1722) de la dynastie des Qing fut l’un des empereurs les plus brillants de l’histoire de la Chine. Monté sur le trône à 8 ans, en 1661, il gouverna dès l’âge de 14 ans et régna pendant soixante années. Après avoir renforcé le pouvoir impérial, il mit fin aux conflits sociaux et ethniques qui déstabilisaient son empire, conquit la précieuse île de Taiwan, réprima la révolte des Dzoungares et repoussa les invasions russes. Il acheva l’unification du pays et promut son développement économique et culturel. Il connaissait l’astronomie, la géographie et pratiquait la poésie, la peinture et la calligraphie. Il maîtrisait également les mathématiques, l’anatomie et la topographie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°188 du 5 mars 2004, avec le titre suivant : « Paix et prospérité » règne sur Versailles

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