Otto Dix chez Grünewald

De l’influence des maîtres anciens

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1996 - 440 mots

Le musée de Colmar poursuit cet automne son enquête sur l’influence de Grünewald au XXe siècle. Otto Dix a traité à plusieurs reprises des thèmes religieux en s’inspirant des maîtres anciens (Cranach, Holdein, Dürer), et particulièrement du maître du retable d’Issenheim.

COLMAR - Le Musée d’Unterlinden ne se contente pas d’abriter dans ses collections l’un des chefs-d’œuvre universels de la peinture, le célébrissime retable d’Issen­heim. Il cherche aussi, par un programme cohérent, à en renouveler la lecture à travers l’influence que Grünewald a exercée sur les modernes. On se souvient de l’exposition consacrée à la Crucifixion qui s’était tenue en 1993, et qui  montrait toute l’importance que le peintre gothique a recouvré aux yeux de différents artistes du xxe siècle. Nul arbitraire dans les choix opérés par la conservatrice du musée, Sylvie Lecoq-Ramond : en l’occurrence, Otto Dix est l’un des meilleurs exemples possibles pour illustrer la permanence de l’influence de Grünewald et d’un certain type d’inspiration.

Citations
Otto Dix a souvent explicitement cité Grünewald, dès ses débuts, et surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, exprimant avec une violence exaltée les tourments d’une époque sombre. Cet aspect de l’œuvre d’un des principaux représentants, avec Max Beckman, de la Neu Sachlichkeit (Nouvelle objectivité), culmine dans le triptyque de La Madone aux barbelés (1945) conservé aujourd’hui à l’église Maria-Frieden de Mariendorf à Berlin, dont le musée de Colmar possède une esquisse. Il est tout aussi sensible dans des œuvres comme la Pietà de 1912, Le Marchand d’allumettes de 1920 ou Les Sept péchés capitaux de 1933. Dans une vaste composition comme La Guerre (1929-32), centrale dans le développement de son œuvre, on retrouve ces mêmes sources et l’usage assez semblable que Dix peut en faire : il ne s’agit pas pour lui de régresser dans le passé, mais au contraire d’extrapoler aussi loin que possible. L’art, pour lui, est hors du temps, il n’est pas prisonnier d’une histoire linéaire ni d’un quelconque formalisme, qu’il a d’ailleurs dénoncé dans l’Expressionnisme.

La meilleur preuve en étant qu’il ne s’ouvre pas seulement à l’influence de Grünewald mais accueille aussi dans son œuvre celle du classicisme de Dürer. L’exposition soulignera également l’impact de cette source dans la peinture toujours controversée de Dix et montrera comment il conjoint ces deux styles antithétiques en fonction de son inspiration. Rationnel et romantique, réaliste et excessif, il incarne les contradictions les plus saillantes de son temps. C’est évidemment de ce point de vue qu’il est un cas exemplaire dans l’histoire de l’art moderne et qu’il reste un témoin précieux du monde contemporain.

OTTO DIX ET LES MAÎTRES ANCIENS, du 7 septembre au 1er décembre, Musée d’Unterlinden, Colmar, tlj 9h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Otto Dix chez Grünewald

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