XIXe

Orsay réhabilite le second Empire

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2016 - 729 mots

Rarement sous les feux de la rampe, le règne de Napoléon III est présenté sous un jour nouveau, comme une période extravertie et décomplexée.

PARIS -  Depuis 1979 et « L’Art en France sous le second Empire », aucune grande rétrospective n’avait été consacrée à cette période mal aimée des Français. Mais le regard du public pourrait changer avec « Spectaculaire second Empire » au Musée d’Orsay. Oubliées la défaite de Sedan et la perte de l’Alsace et de la Lorraine, qui entachaient naguère la mémoire de Napoléon III. C’est à une réhabilitation que veut se livrer le musée du XIXe siècle en mettant l’accent sur la créativité artistique de la période et sur la modernité des comportements. Car, au cours du règne de Badinguet, – surnom satirique donné à l’empereur – furent inventés ou portés à leur maximum d’efficacité la communication politique, la « peopolisation », le « selfie », le « bling-bling » et les scandales de l’art contemporain.
L’angle est celui de la « fête impériale » vue positivement et non plus avec la moue dégoûtée de Victor Hugo. Mais les commissaires de l’exposition ne veulent pas masquer la débâcle de la fin du règne. « Nous l’avons conçue comme un film, raconte Marie-Paule Vial, l’une d’entre eux. Et, comme nous commençons par la fin, l’exposition entière est un flash-back. Elle débute par le magnifique tableau de [Jean-Louis-Ernest] Meissonier, Les Ruines du palais des Tuileries. C’était une façon de prendre tout de suite de la distance. » Ensuite, « notre vision du second Empire est placée sous le signe de la frivolité », précise-t-elle. La première salle montre la communication habilement mise en place par l’empereur, depuis son mariage d’amour jusqu’aux inaugurations à tout va, en passant par les réceptions où se presse tout ce qui compte dans le domaine des affaires ou de l’art. Les artistes et artisans d’art sont à la fête dans cette France dirigée par un couple très ambitieux. Une salle est consacrée aux célébrations et décors éphémères, une autre aux résidences impériales : elles montrent comment l’argent coule à flots du sommet de l’État vers ceux qui sauront magnifier le goût éclectique élaboré pour servir un règne qui veut s’inscrire dans l’Histoire de France. Le « style Louis XVI-impératrice » ne sera pas pour rien dans cette stratégie.

L’Exposition universelle, sommet de l’empire

Le second Empire est aussi un âge d’or du portrait. Du couple impérial aux simples bourgeois, tout le monde veut être vu en peinture au Salon, et se fait photographier, pour personnaliser ses cartes de visite ou figurer dans une mise en scène personnelle. Même Eugénie, rivale de la [comtesse de] Castiglione, s’adonne à ce passe-temps avec la complicité du photographe Pierson. Une grande salle, présentée à la manière d’une pièce de réception de l’époque, mène de Winterhalter à Cézanne en passant par Ingres, Degas et Tissot – dont le Portrait de Mlle L. L. (1864) pourrait dater de nos année 1960. Au milieu, les vitrines dévolues à la photographie supportent des photos-sculptures, ancêtres des impressions 3D…

Une salle « Nouveaux loisirs, nouvelle peinture » montre que l’impressionnisme est indissociable du mode de vie apparu au second Empire. Puis, vient ce que Paul Perrin, co-commissaire de l’exposition, décrit comme un « fantasme d’historien de l’art », une évocation du Salon de 1863 et du Salon des refusés. Tous les tableaux présentés étaient accrochés dans le premier, sauf un, Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, qui figurait au second. Cette « coupe stratigraphique de l’état de la peinture sous le second Empire », selon Paul Perrin, est suivie d’une autre évocation tout aussi étonnante, celle des Expositions universelles. « Le sommet du second Empire est l’Exposition universelle de 1867, commente Yves Badetz, co-commissaire de l’exposition. La majorité des pièces présentées ici y ont été montrées. Onze millions de personnes l’ont vue. » Elle précédait de peu la chute de l’Empire, annoncée par l’exécution de Maximilien, la même année. Et, pour le visiteur d’Orsay, cette salle munificente précède une dernière vision, celle de L’Impératrice Eugénie et le prince impérial dans le parc de Camden Place de James Tissot (vers 1874). Le clap de fin nostalgique d’un film réussi.

SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE 1852-1870

Commissaires : Yves Badetz, conservateur général au Musée d’Orsay ; Paul Perrin, conservateur au musée d’Orsay ; Marie-Paule Vial, conservateur en chef du patrimoine honoraire.
Nombre d’œuvres : 443

SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE 1852-1870

jusqu’au 15 janvier, Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’honneur, 75007 Paris, tous les jours sauf lundi 9h30-18h, le jeudi 21h45, tél. 01 40 19 48 14, www.musee-orsay.fr, entrée 12 €. Catalogue éd. Musée d’Orsay/Skira, 45 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Orsay réhabilite le second Empire

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