Morceaux choisis - Accrochage

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2009 - 703 mots

Le Musée des beaux-arts de Strasbourg présente sa collection de peintures flamandes et hollandaises.

STRASBOURG - Memling, Rubens, Van Dyck, Jordaens, Sweerts : ce casting prestigieux revient au Musée des beaux-arts de Strasbourg dont la collection de peintures flamandes et hollandaises compte aujourd’hui quelque deux cents numéros. En 2007, l’institution en a fait restaurer une soixantaine qu’elle restitue aujourd’hui au public à travers un parcours volontairement déroutant. Le visiteur peut, en effet, se trouver déconcerté par l’absence totale de cartels dans un espace agencé à la manière d’un cabinet de collectionneur du XVIIe siècle. « C’est un expérience, justifie Michèle Lavallée, conservatrice du musée et commissaire de la manifestation. Nous voulions que le visiteur oublie les noms – célèbres ou pas – des auteurs de ces œuvres ; qu’il soit pris par une collection dans son ensemble ». Concrètement, ce parti pris revêt la forme d’un dépliant, assez ingrat à manier, où l’accrochage est reproduit en noir et blanc avec des numéros auxquels il faut se référer pour retrouver l’auteur et le titre des œuvres… Au risque d’en décourager certains. Mais ce choix muséographique a le mérite de son audace et permet de renouveler la traditionnelle visite au musée. Citons, entre autres, quelques pièces à ne pas manquer comme le Départ pour la promenade (entre 1663-1665) de Pieter de Hooch, où la lumière se joue de l’architecture dans une composition particulièrement soignée ; le Paysage fluvial de Jan van Goyen présenté aux côtés de La Marée basse (début des années 1650) de Simon de Vlieger, artiste célébré pour ses marines ; ou encore ces Hommes se baignant (1654-1655) de Michael Sweerts. L’historien de l’art David Mandrella, l’un des auteurs du catalogue publié à l’occasion, attire également l’attention sur la présence du Paysage montagneux avec torrent (début années 1670) qui serait bien une peinture autographe de Jacob van Ruisdael, ou sur le Bouquet de fleurs (1725-1735) de Jan van Huysum, pour lequel Dominique Jacquot, conservateur en chef du musée, n’hésite pas à parler de résurrection aux termes de sa restauration. L’étude et le nettoyage d’un autre Bouquet de fleurs a permis d’affirmer son attribution à Peter Casteels (1684-1749).

Repeint « de pudeur »
Faute de place, l’exposition se transforme en jeu de piste dans les espaces permanents du musée. Le 1er étage du Palais Rohan réserve, lui aussi, de belles découvertes, comme celle du décolleté de Pomone exécuté par Caspar Netscher, qu’un repeint dit « de pudeur » avait tenté de masquer. On y retrouve les délicates natures mortes qui ont fait la renommée de la collection, celle de Willem Kalf (vers 1661-1662) ou la Tourte au cassis de Willem Claesz. Heda. Les deux volets du retable avec scènes de la vie du Christ de Jan Swart van Groningen (vers 1540) et le Saint-François d’Assise de l’atelier Rubens (réplique d’un original sur bois daté de 1630) sont parmi les œuvres qui ont demandé le plus de travail aux restaurateurs. « L’exposition aurait été encore plus belle si nous avions disposé d’espaces supplémentaires ». Cette petite phrase lourde de sens lancée lors du vernissage par la directrice des musées de Strasbourg, Joëlle Pijaudier-Cabot, sonnait comme un appel à la réhabilitation de l’Ancienne douane, vaste bâtisse située à proximité du musée, où se tenait des manifestations d’envergure avant un incendie en 2000. Le fait que le parcours soit scindé en deux parties n’est, au final, pas dépourvu d’intérêt et redonne toute sa dimension au concept même de collection, objet de multiples attentions, du récolement à sa mise en scène, en passant par la restauration. Joëlle Pijaudier-Cabot et Dominique Jacquot espèrent pouvoir, prochainement, combler les lacunes de ce riche ensemble flamand et hollandais par des peintures d’histoire (caravagesques, rembranesques) et l’œuvre des « italianisants ».

REALITE D’UN MONDE – PEINTURES FLAMANDES ET HOLLANDAISES, jusqu’au 12 juillet, Musée des beaux-arts, Palais Rohan, 2, place du Château, Strasbourg, tél. 03 88 52 50 00, tlj sauf mardi, 12h-18h et 10h-18h le week-end. Catalogue, 314 p., 35 euros. À lire également : Bernadette Schnitzler, Histoire des musées de Strasbourg, 254 p., 28 euros, ISBN 978-2-35125-041-9.

RÉALITÉ D’UN MONDE
Commissaire : Michèle Lavallée, conservatrice du Patrimoine, Musée des beaux-arts de Strasbourg
Scénographe : Yannick Schutz
Nombre d’œuvres de la collection : 213

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : Morceaux choisis - Accrochage

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