Art ancien

XIXE SIÈCLE

À Montargis, le génie est un peu à l’étroit

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 14 novembre 2019 - 448 mots

MONTARGIS

L’exposition qui évoque le Salon de 1819 illustre un travail scientifique exemplaire. Resserrée et avare en médiation, elle risque pourtant de dérouter le grand public.

Montargis (Loiret). C’est l’une de ces entreprises ambitieuses qui ravissent les historiens de l’art. Pour marquer la réouverture du Musée Girodet à Montargis, Bruno Chenique, expert de Géricault, et Sidonie Lemeux-Fraitot, spécialiste de Girodet et chargée des collections du musée, ont décidé d’opérer une « reconstitution archéologique » du Salon de 1819. Cette année-là marque le début de la bataille romantique, expliquent-ils, en contradiction avec ceux qui la datent du Salon de 1824 et de la présentation de la Scène des massacres de Scio par Delacroix. Pourquoi 1819 ? Parce que, tandis que Théodore Géricault (1797-1824) montrait Scène de naufrage, que nous connaissons aujourd’hui sous le titre Le Radeau de la Méduse, Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824) dévoilait Pygmalion et Galatée [voir ill.]. La critique et le public virent dans cette réponse du maître au bouillant jeune peintre la cristallisation d’une lutte des Anciens et des Modernes.

Dans le catalogue, un ouvrage de référence, Bruno Chenique fait de ce Salon un récit homérique car s’y sont mêlés des pensées politiques et des enjeux esthétiques puissants. D’autres spécialistes replacent les deux adversaires dans le flot des peintres du temps, représentant eux-mêmes de nombreux courants. De son côté, Sidonie Lemeux-Fraitot fait de Girodet, dont on sait la complexité, un portrait tout en nuances où l’anacréontisme de Pygmalion et Galatée ne masque pas l’« être romantique » qu’il était. Mais pour le public qui se rend au Musée Girodet, comment accéder à ce bouillonnement d’idées et de formes, de considérations politiques, économiques et morales ? C’est toute la difficulté d’une telle exposition.

Une « Exposition d’intérêt national »

S’en tenant à la peinture et aux arts graphiques, les commissaires présentent 85 œuvres sur les plus de 1 500 de ce type que montrait le Salon. « Exposer les œuvres originales n’a pas toujours été possible », remarquent-ils. Ainsi, l’immense Radeau de la Méduse est resté au Louvre, remplacé ici par une copie honnête réalisée par Ronjat en 1859. S’insérant dans le parcours du musée, les deux magnifiques salles consacrées à l’exposition (outre un petit espace réservé aux papiers) présentent un accrochage « en tapisserie », selon les habitudes de l’époque. Pour retrouver certaines des œuvres, il a fallu fouiller dans les réserves des musées. Beaucoup ont été nettoyées ou restaurées pour l’occasion, ce qui, outre le propos scientifique, justifie le label « Exposition d’intérêt national ». Mais, laissé à lui-même avec un texte d’introduction, trois textes de salles et un fascicule commentant 12 tableaux, le visiteur peut-il réellement apprécier le travail colossal accompli et, au-delà, le moment fort de l’histoire de l’art qu’a pu être le Salon de 1819 ?

Girodet face à Géricault ou la bataille romantique du Salon de 1819,
jusqu’au 12 janvier 2020, Musée Girodet, 2, rue du Faubourg-de- la-Chaussée, 45200 Montargis.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°533 du 15 novembre 2019, avec le titre suivant : À Montargis, le génie est un peu à l’étroit

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