Art contemporain

Monory, de la race des grands fauves

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 21 avril 2009 - 424 mots

SAINT-PAUL

Étrange tableau en vérité que ce Dreamtiger n° 4 que Jacques Monory a peint en 1972 et qui figure dans les collections de la fondation Maeght.

De format quasi carré, il est partagé en trois bandes horizontales égales : en bas et en haut, les images multipliées d’un tigre enfermé dans sa cage, comme les vues superposées d’une planche contact ; au milieu, l’image panoramique d’une banquise. Le tout est noyé dans le bleu plus que jamais couleur de glace qui signe son auteur. Étrange et incongru.

Le tigre tourne en rond dans sa cage comme s’il n’aspirait qu’à en sortir pour aller faire un tour de liberté sur la banquise. De l’aveu même du peintre, sa passion pour l’animal est à mettre en équivalence avec ce que ce dernier lui suggère de sensualité féminine.

Invité à occuper la plus grande salle de la fondation, dédiée aux Nouvelles saisons de l’art vivant, Monory a souhaité reprendre en compte ce thème du tigre et réalisé pour l’occasion quatre immenses toiles panoramiques de 1,50 par 4,70 mètres, rien de moins ! Une entreprise colossale qui lui a pris plusieurs mois et qui en dit long sur l’extraordinaire pugnacité de l’artiste au travail.

À l’horizon de ses 84 ans, Jacques Monory signe là un vrai monument pictural, fidèle à son style, à son imaginaire et à cette étonnante capacité qu’il a de nous faire rêver. Féru de scénarios syncopés, le peintre met en jeu la figure du tigre dans des narrations qu’il laisse à chacun d’inventer le fil [lire « Visite d’atelier », L’œil n° 610].

Ici, il en fait bondir un, venu de nulle part, sur une femme aux yeux bandés, pistolet en main, qui emprunte un pont de chemin de fer ; là, il en fait se prélasser toute une tribu dans la douceur moite d’un salon cossu par un après-midi évidemment caniculaire. Chaque fois, Monory fragmente l’espace, multiplie les entrées, introduit des saynètes qui excèdent ou distraient le possible sens du tableau de sorte que le regardeur s’y perd, pris au piège d’un vrai labyrinthe iconique. On s’interroge alors sur l’intention du peintre, sur la valeur symbolique du sujet pour mesurer qu’il y va finalement d’un seul et unique plaisir : celui de la peinture, des jeux mêlés de la lumière, de la matière et de la touche, tendresse et cruauté conjuguées dans une manière « fauve » qui lui est propre.

« Jacques Monory - Tigre », fondation Marguerite et Aimé Maeght, Saint-Paul (06), tél. 04 93 32 81 63, jusqu’au 14 juin.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : Monory, de la race des grands fauves

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