Art contemporain

Mircea Cantor rentre au bercail

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2019 - 516 mots

NANTES

L’artiste revient à Nantes, où il fut étudiant il y a vingt ans, avec une exposition empreinte de mélancolie et ponctuée de clins d’œil à son passé.

Nantes. Il y a une vingtaine d’années, Robert Fleck, l’actuel directeur de l’École régionale des beaux-arts de Nantes, découvre en Roumanie le travail de Mircea Cantor, alors étudiant à Cluj, qui reçoit ensuite une invitation à intégrer le post-diplôme de l’École régionale française. Lorsque, quelque temps plus tard, Mircea Cantor postule pour un projet d’échange avec les États-Unis, il se voit refuser l’accès au territoire américain. Très désappointé, il décide cependant d’envoyer une œuvre en guise de participation : une photographie de lui, posant au bord d’une route tenant un panneau d’auto-stoppeur dépourvu d’indication [voir illustration]. All the Directions ouvre aujourd’hui son exposition « Înainte » au Musée d’arts de Nantes.

Cet autoportrait de l’artiste en voyageur indécis est placé au centre d’un dispositif qui utilise le plan en croix de la chapelle de l’Oratoire du musée. Deux films sont projetés à chacune des extrémités d’un axe nord-sud : Landscape is changing (2003), montré à de nombreuses reprises, voit une procession de manifestants silencieux déambuler dans un quartier de Tirana (Albanie). Au lieu de banderoles, le petit groupe brandit des pancartes miroitantes dans lesquelles se reflètent le paysage urbain, le ciel, les nuages. L’écran est peu à peu envahi par les distorsions colorées de ces reflets comme par une peinture qui se répandrait en coulant sur la toile. À l’autre extrémité, Adjective to your presence, tourné à Tokyo en 2018, reprend ce principe de manifestation muette. Cette fois les participants portent des panneaux transparents et la caméra s’attarde sur leurs visages. À quinze ans d’écart, ces deux vidéos illustrent une constante dans la démarche de Mircea Cantor consistant à poétiser le politique. Ce que cette exposition apporte par ailleurs de nouveau est peut-être ce qu’elle comporte de plus ancien : issues de ses archives personnelles, quelques photographies inédites évoquent les premières recherches, les interrogations initiales. Elles sont placées sur les cimaises d’un îlot central qu’il a spécialement conçu. « Irreversible » (1992), photographies en noir et blanc de peupliers abattus pour les besoins d’une construction, est une série clandestine, prise depuis la fenêtre de sa chambre par l’adolescent attentif, déjà, aux transformations à l’œuvre dans la société. Ce regard sur le monde, mais aussi le fait que Mircea Cantor ait conservé très tôt toutes ses réalisations, témoigne de ce qui l’a constitué comme artiste. Comme un film à l’arrêt, 36 pauses d’elle avec pomme (2003) parle ainsi de sa fascination pour le cinéma, un médium que l’on n’étudiait pas à l’Académie des beaux-arts de Cluj. Mircea Cantor le maîtrise depuis comme une écriture à part entière, vidéos aussi vives que des haïkus (Vertical Attempt, 1’’ [2009] ; Regalo, 3’’ [2014]) ou films plus narratifs. Dernier clin d’œil à son passé nantais, Elias (hommage à Georges de la Tour), [2019], rappelle qu’il fut, étudiant, employé comme gardien du musée, dont il connaît les collections par cœur. Ni rétrospective ni retour en arrière, « Înainte » se traduit de façon ambivalente par « comme avant » ou « en avant ».

Mircea Cantor, Înainte,
jusqu’au 15 septembre, Musée d’arts de Nantes, Chapelle de l’Oratoire, 10, rue Georges Clémenceau, 44000 Nantes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Mircea Cantor rentre au bercail

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