Art ancien

Mattia Preti, un peintre cavalier

Rétrospective Mattia Preti à Naples

Par Denise Pagano · Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 726 mots

Surnommé « Il Cavaliere calabrese », Mattia Preti (1613-1699) fut l’un des maîtres incontestés du Baroque, assimilant aussi bien les audaces du Caravage que les leçons de Venise ou de Bologne. Le Musée de Capodimonte retrace le parcours original de ce peintre qui, après Rome et Naples, s’est choisi Malte comme terre d’élection.

NAPLES - Première des expositions prévues pour le troisième centenaire de sa mort, “Mattia Preti entre Rome, Naples et Malte” ouvre en même temps que le second étage du Musée de Capodimonte. Les chefs-d’œuvre qu’il possède, comme La Peste de 1656, figurent en bonne place parmi la soixantaine de tableaux de l’exposition provenant de collections publiques et privées, italiennes et étrangères. S’y ajoutent treize peintures de ses contemporains et une sélection de trente dessins. Bien sûr, les œuvres rassemblées ici ne constituent qu’une part restreinte de l’œuvre immense du “cavalier calabrais”, né à Taverna en 1613 et mort à Malte en 1699, mais elles mettent en évidence sa rare capacité à approcher, à assimiler, et à analyser des cultures différentes, et à proposer des formules figuratives compatibles avec les changements du goût et de la société.

Arrivant à Rome d’un petit village de Calabre, vers 1630, à la suite de son frère Gregorio, Mattia Preti découvre les œuvres du Caravage à Santa Maria del Popolo et Saint-Louis des Français. Fortement impressionné par le luminisme du peintre lombard, il regarde aussi avec attention les nombreuses scènes de genre des artistes français et flamands (Valentin...) dans lesquelles le répertoire du Caravage était codifié en formules conventionnelles. Ce sont les années des Joueurs et des Concerts. Mais bientôt les références artistiques de Preti s’élargissent aux Bolonais : aux Carrache, au Dominiquin, à Lanfranco, et surtout au Guerchin dont le naturalisme lui rappelle celui du Caravage. Le courant néo-vénitien dont Cortone est l’un des principaux promoteurs ne le laisse pas indifférent et, dans ses œuvres, la couleur de Venise se mêle à l’inspiration caravagesque. Les toiles de ces années 1640 sont largement représentées dans l’exposition. À cette époque, il multiplie les voyages dans la Péninsule. Lors de son séjour en Émilie, il réalise les fresques perdues de la chapelle des Reliques dans la cathédrale de Modène et la décoration de la coupole et de l’abside de San Biagio, récemment restaurée. Avant de rejoindre Naples, en 1653, il décore à Rome l’abside de Sant’Andrea della Valle. Décoré depuis 1641 de l’Ordre des Chevaliers de Malte, il gagne en quelques années la faveur des plus gros commanditaires publics et privés. Dans une ville épuisée par la peste de 1656, il obtient la charge de décorer les portes de la cité, puis se consacre aux grandes toiles de San Lorenzo Maggiore. Il s’affirme alors comme le seul véritable acteur de la scène artistique locale, exécutant la décoration de la nef entière et du transept de l’église de San Pietro a Majella, avec les Histoires de saint Pierre Célestin et sainte Catherine d’Alexandrie. Son style énergique fait souffler un vent baroque sur l’art napolitain, et un dialogue pictural s’instaure avec le jeune Luca Giordano. Naissent ainsi, en quelques années, les Banquets de Capodimonte, les grandioses et monumentales figures de saints, comme le Saint Sébastien du même musée, les nombreuses scènes bibliques et christiques, expression de son art dans sa maturité. L’exposition accorde une attention particulière à l’aspect profane de la production de Preti qui, après s’être brièvement arrêté à Valmontone où il peint la Stanza dell’Aria du palais Pamphili, exercera encore presque quarante ans dans l’île de Malte. Là, il ne cesse de travailler, produisant des toiles destinées à des commanditaires locaux mais aussi à ses mécènes italiens. Afin d’accéder aux plus hauts grades des chevaliers, il réalise la décoration ardue et complexe de la grandiose voûte de la co-cathédrale Saint-Jean à La Valette. Pour faire face aux commandes qui se multiplient, il est contraint de recourir à des assistants de plus en plus nombreux et à répéter des thèmes à succès, laissant s’étioler son langage stylistique. À Taverna, sa patrie jamais oubliée, Mattia Preti envoie des œuvres qui décorent encore aujourd’hui l’église de la petite ville calabraise ; elle lui rendra hommage en juin, avec une exposition conçue par John Spike.

MATTIA PRETI ENTRE ROME, NAPLES ET MALTE

Jusqu’au 13 juin, Musée de Capodimonte, Palazzo di Capodimonte, Naples, tél. 39 081 744 13 07, tlj sauf lundi 10h-22h, dimanche 9h-15h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Un peintre cavalier

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