Paris. Les expositions consacrées à Matisse sont si nombreuses en France qu’il devient difficile de trouver un angle original pour présenter l’artiste. Dans ce contexte, aborder la relation avec sa fille, Marguerite, pourrait relever du prétexte.
Certes, d’après Fabrice Hergott, directeur du musée : « Certains de ces portraits figurent parmi les tableaux les plus audacieux et les plus importants, constituant de véritables jalons dans le développement artistique du peintre. » Toutefois, le parcours chronologique ne justifie pas cette affirmation. Si Marguerite apparaît fréquemment dans l’œuvre picturale de son père, ses représentations – parfois remarquables, comme l’étrange portrait aux accents « primitivistes » de 1905-1906 ou l’une des rares toiles aux influences cubistes de 1914-1915 – ne constituent pas des ruptures stylistiques dans l’œuvre de Matisse. Lorsque son visage, stylisé, souvent vu de profil et de loin, est intégré à la composition, ces « portraits » prennent un caractère générique et deviennent de simples figures interchangeables dans un paysage, comme dans La Conversation sous les oliviers (1921), ou Intérieur à Étretat (1920). Un modèle à portée de main, en somme.
Le visage silencieux et inexpressif de Marguerite témoigne du peu d’intérêt porté par Matisse à l’expression psychologique. À une exception près : la magnifique série de dessins de 1945, réalisée lorsque le peintre apprend l’attitude héroïque de sa fille durant la guerre. Faut-il y voir l’expression d’un remords, de la mauvaise conscience de celui qui, durant le conflit mondial, est resté à l’écart ? Malgré ces quelques bonnes surprises, « Matisse et Marguerite » ne renouvelle pas le regard sur l’œuvre matissienne.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : Matisse voit Marguerite en peinture
