Londres (Grande-Bretagne)

Matisse, la danse des ciseaux

Tate Modern Jusqu’au 7 septembre 2014

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 26 juin 2014 - 395 mots

Des nombreuses expositions consacrées aux papiers découpés de Matisse, aucune n’avait atteint l’exhaustivité de la Tate Modern ; autant dire que l’événement est d’importance.

Exceptionnel, même, par le nombre considérable de pièces inédites et de grands formats et par la clarté de sa progression grâce à un parcours – presque – chronologique clair. Un seul petit bémol, la lumière, pâle, sensée préserver les couleurs de ces fragiles chefs-d’œuvre. Couper et assembler des morceaux de papiers ou de journaux, d’autres comme Braque et Picasso l’ont fait avant lui.

Ce qui est nouveau chez Matisse, c’est que le papier devient une surface monochrome peinte avant d’être découpée. Un procédé qu’il commence pour la première fois en 1939 sous forme de caractères d’imprimerie découpés à partir de feuilles de catalogue pour la couverture de la revue Verve. À partir de 1943, il commence à développer systématiquement cette technique. En 1944, il réalise vingt illustrations pour Jazz, et l’encre d’imprimerie est cette fois remplacée par des feuilles de papier préalablement gouachées qu’il découpe à son gré. Les maquettes originales et l’album lui-même sont présentés ici côte à côte. Matisse ne cessera jamais de dessiner et de peindre, mais durant les dix dernières années de sa vie il se consacrera presque exclusivement à ce seul travail. Intérieur avec fougère noire (1948), présenté à Londres, est l’une des dernières toiles de l’artiste avant que les ciseaux ne remplacent le pinceau. Jazz donnera naissance à de multiples gouaches découpées de plus en plus vastes qui deviennent tour à tour tapisseries, vitraux ou mosaïques… telle Polynésie, le ciel qui atteint presque 4 mètres de longueur. À observer cette composition faite de motifs végétaux et animaliers, l’on remarque que la séparation figure/fond n’existe plus alors que la sensation de vol des colombes reste forte.

Elle subsiste encore dans la figure humaine Zulma, construite comme un tableau, qui conserve encore des éléments de perspective. Dans la série des Nus bleus, le bleu devient la couleur du volume et les vides marquant les articulations du corps procurent à l’ensemble du relief en les apparentant à la sculpture. Pour tous ces motifs, Matisse ne trouve quelquefois la solution qu’après plusieurs jours voire plusieurs semaines d’essai et les découpes s’accumulent partout dans son appartement. Deux petits films complétés par les photos noir et blanc du catalogue nous montrent son bonheur de travailler parmi ces monceaux de formes volatiles.

« Henri Matisse. The Cut-Outs »

Bankside, Londres (Grande-Bretagne), www.tate.org.uk

Légende photo
Henri Matisse, Nu Bleu (1), 1952, gouache sur papiers peints découpés sur papier sur toile, 106,3 x 78cm, Fondation Beyeler, Riehen/Bâle. © Robert Bayer

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°670 du 1 juillet 2014, avec le titre suivant : Matisse, la danse des ciseaux

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