Cateau-Cambresis (59)

Matisse et les mètres de textiles

Musée départemental Matisse, jusqu’au 8 mars 2015

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 17 décembre 2014 - 386 mots

On l’oublie souvent, Matisse est issu d’une longue lignée de tisserands, et la production essentielle du Cateau-Cambresis et de Bohain où il passa son enfance était le textile dont les châles cachemire ont fait la renommée.

La proximité avec le  textile est essentielle dans son œuvre, et les motifs décoratifs produits dans la région apparaissent dans nombre de ses créations. Bien sûr, les lumières du sud nourrissent l’œuvre « Matissienne », mais c’est le Cateau-Cambresis qui en est le substrat. Matisse se constitue une collection d’étoffes : châles des Indes, tapas océaniens, tissus africains, draps égyptiens, paréos qu’il accroche aux murs de son appartement et qu’il intègre dans ses tableaux. Une photo de Cartier-Bresson le montre dans sa chambre devant les murs tapissés de tissus. Lorsqu’il se rend en Polynésie en 1930, c’est encore pour rechercher de « nouvelles lumières ». Les étoffes polynésiennes, les paysages, la flore et la faune océanienne constituent un répertoire extraordinaire de motifs et de couleurs. Quinze ans plus tard, les souvenirs de Tahiti lui reviennent sous forme d’images récurrentes : il les découpe, les fixe au mur… Avec la technique des papiers découpés, il réalise deux tentures murales, Océanie la mer et Océanie la terre, entourées d’une bordure stylisée de coraux, dont l’ensemble évoque la magie du lagon océanien. Matisse accepte l’édition de tentures de lin et de soieries proposées par la Maison Ascher. Parallèlement, il met en œuvre les cartons de Polynésie le ciel et Polynésie la mer sur fond géométrique inspiré des tapas océaniens qu’il fera tisser par la Manufacture de Beauvais. À ce stade, l’exposition aborde un point intéressant portant sur la difficulté de l’adaptation de l’art au registre textile : la fabrication des textiles a été parfois émaillée de difficultés et a laissé à Matisse des sentiments mitigés. C’est le cas pour la tapisserie de La Femme au luth, réalisée par les Gobelins, dont l’exposition présente deux interprétations. Et c’est pour cette raison qu’il renoncera à céder le modèle destiné au tissage de sa Nymphe dans la forêt, sur lequel il travaillera des années durant. L’exposition « Tisser Matisse » comporte soixante-dix pièces et quelques belles raretés : dessins préparatoires, pièces d’étoffes, lettres, photos, qui mettent joliment en lumière la part de la création textile dans l’œuvre de Matisse, sa genèse et sa mise en œuvre.

« Tisser Matisse »

Musée départemental Matisse, Palais Fénelon, place du Commandant-Richez, Le Cateau-Cambresis (59), museematisse.lenord.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Matisse et les mètres de textiles

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