Art contemporain

Paroles d’artiste

Martine Aballéa : « La lumière est un idéal de vie, de beauté »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2016 - 761 mots

Martine Aballéa invite les visiteurs de la Galerie Édouard-Manet à Gennevilliers à entrer dans un jardin féerique.

À la Galerie Édouard-Manet, à Gennevilliers, Martine Aballéa (née en 1950) invite le visiteur à pénétrer dans un jardin plongé dans le noir et ambigu, à la fois sombre et féerique.

« Le Bois de Luminaville », dans lequel vous invitez à entrer ici, a-t-il été conçu comme une extension des espaces dans lesquels vous avez convié les visiteurs auparavant, à l’exemple de la chambre de l’exposition « Hôtel passager » en 1999 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris ?
Oui, tout fait. Quand j’ai visité les espaces d’exposition pour la première fois, j’ai été frappée par la présence dans l’une des pièces d’une cheminée. Les lieux avaient été précédemment une habitation et cette cheminée a été conservée. Elle est située en face d’une belle double fenêtre, très classique. Ces éléments évoquent immédiatement une habitation et j’ai voulu les garder. J’ai déjà travaillé sur des habitats ou des maisons imaginaires, et là cela a croisé mon désir de faire un jardin. J’ai d’ailleurs travaillé sur les plans comme si je faisais un jardin, avec des massifs de couleurs différentes, etc. C’est ainsi qu’est venue cette espèce d’hybride intérieur/extérieur, un bois dans lequel se trouve un salon avec un canapé mais aussi une source à laquelle on peut boire. Tout cela s’est agrégé pour construire un parcours, dont j’ai voulu qu'il s'inscrive dans la suite des histoires de « Luminaville », cette ville dans le noir où il n’y a ni jour ni nuit. C’était un défi de transformer ce grand espace et de le plonger entièrement dans le noir, avec des éléments lumineux, des massifs fluorescents, et donc de proposer ici une sorte de promenade. En même temps, c’est à la fois un jardin romantique et un bois breton. J’ai juste donné un nom à la source et les gens m’ont demandé tout de suite : « mais quelles sont ses propriétés ? », question à laquelle j’ai répondu que je ne savais pas. Mais je suis heureuse de la manière dont les visiteurs s’approprient cet espace pourtant un peu inhabituel.

Vous inscrivez-vous dans une évolution narrative, dans une construction littéraire ? S’agit-il d’un nouvel épisode ?
Je dirais que c’est à la fois une construction littéraire, bien qu’il n’y ait qu’un minimum de texte, et la suite des explorations sur les possibilités de l’espace, et aussi sur les possibilités des plantes. Quand je réfléchis, ces éléments-là reviennent toujours, donc on peut dire que c’est la suite. En même temps, ce sont des sortes d’extension qui comportent des nouveautés. Il me semble que la forme donnée là n’avait  jamais été choisie auparavant, je l’avais représentée en deux dimensions mais pas en trois dimensions. Et puis j’imagine des récits que les gens peuvent élaborer à partir de cela. L’histoire est extrêmement simple, c’est une promenade dans un bois, on peut s’asseoir à un moment donné et il y a une source dont on peut boire l’eau…

Ce bois, par sa « nature » même, mais aussi par la lumière à laquelle il est soumis, a un aspect factice. À quoi vous sert cette artificialité ?
Mon souhait est que ce ne soit pas cette artificialité-là que l’on voit, mais ce qu’elle propose. Certaines personnes m’ont dit qu’elles avaient l’impression d’être dans un rêve, et là je me dis : « ça a marché ! » Parce que lorsqu’on rêve on accepte beaucoup de choses qu’on n’accepterait pas du tout dans un état de veille. Et c’est avec ce décalage-là que je souhaite que les visiteurs entrent dans cet espace, avec cette ouverture. Je crois que cette ouverture peut les amener ailleurs. En cela c’est aussi comme l’« Hôtel passager », où le but de la visite était vraiment d’aller ailleurs.

Cette obsession pour la lumière ou son absence qui traverse tout votre travail, quels en sont les fondements ?
« Luminaville » était parti d’une idée simple, d’un lieu où il n’y a ni jour ni nuit mais où les choses sont faites de lumière ; c’était très court et elliptique. Je me suis intéressée à la lumière très tôt par la photo, puis par la suite avec des installations et des jeux de couleurs, de lumières colorées. Pour moi la lumière s’avoisine à la connaissance, à la clarté, c’est un idéal de vie aussi, de beauté. Tout comme le noir, la nuit, le mystère est incontournable. Ce sont des préoccupations à la fois philosophiques et artistiques, des manières d’appréhender le monde.

MARTINE ABALLÉA. LE BOIS DE LUMINAVILLE

Jusqu’au 11 juin, École municipale des beaux-arts, Galerie Édouard-Manet, 3, place Jean-Grandel, 92230 Gennevilliers, tél. 01 40 85 67 40, www.ville-gennevilliers.fr, tlj sauf dimanche 14h-18h, entrée libre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°457 du 13 mai 2016, avec le titre suivant : Martine Aballéa : « La lumière est un idéal de vie, de beauté »

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